Dans ma quête, un livre me prête main-forte. Dans Consolation de la philosophie, Boèce imagine dialoguer avec Dame Philosophie en personne. C’est qu’il a tout perdu, ou presque. Homme politique, le voilà destitué par Théodoric, lui qui n’a eu de cesse de pratiquer la justice, de viser le bien commun, attend dans sa résidence forcée sa condamnation à mort. Injustement puni, l’âme troublée, le supplicié reçoit alors la visite de Dame Philosophie.
Chacun essuie les hauts et les bas d’une existence avec plus ou moins de ressources. Je trouve ainsi une invitation à bien regarder l’herbe du voisin, à soigneusement contempler celui que je jalouse. Et, ô merveille, la jalousie du début peut donner lieu à une véritable pratique de la compassion. En somme, Dame Philosophie invite tout simplement son malade à connaître les règles du jeu. La vie n’est simple pour personne. Tôt ou tard, même la plus clémente des fortunes devient capricieuse et change. Et notre thérapeute va jusqu’à prétendre que les plus privilégiés sont en fin de compte les plus fragiles. Sans aller jusqu’à plaindre le jeune homme à qui tout sourit, je puis ouvrir les yeux pour ne pas juger trop vite du bonheur des autres et de mon malheur.
Cependant un mystère demeure : souvent, les êtres les plus accablés par le sort goûtent les plus grandes joies. Et pourquoi n’en serai-je pas jaloux ?
Alexandre Jollien est un philosophe et écrivain né en 1975 à Savièse, en Suisse. Son dernier livre, le Philosophe nu, est paru au Seuil.
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