[Critique] 10 Cloverfield Lane

Par Régis Marton @LeBlurayphile

Un film de : Dan Trachtenberg

Avec : Mary Elizabeth Winstead, John Goodman, John Gallagher Jr.

Dans le sud des Etats-Unis, Michelle a un accident de voiture en essayant d'échapper à son petit-ami. Elle se réveille dans un abri antiatomique appartenant à un certain Howard, un ancien militaire qui lui annonce qu'il l'a mise en sécurité car le pays a subit une attaque chimique dévastatrice. Incapable de déterminer s'il dit ou non la vérité, elle fera tout ce qu'elle peut pour s'enfuir.

Opportunisme commercial ou renouveau artistique ?

Voilà où nous a mené la mentalité hollywoodienne de décliner tous leurs films sous des sagas ou en les assimilant à d'autres films préexistant afin d'en assurer le succès : J.J. Abrams et son staff de décisionnaires du studio Bad Robot s'est dit que, à présent, toutes leurs productions estampillés " films de monstres " appartiendraient à une même franchise. On se souvient du succès, en 2008, de Cloverfield, ce film qui jouait sur une certaine fascination morbide post-11 septembre pour nous faire revivre de l'intérieur une destruction massive de New-York via un dispositif immersif utilisant le found-footage en partant du principe, pour le moins invraisemblable, que, malgré les attaques de monstres et les interventions de l'armée, un homme n'aurait pas lâché sa caméra du début à la fin de la démolition de sa ville. Ayant été préparé dans le secret, comme Abrams sait si bien le faire, on ne savait rien de ce 10 Cloverfield Lane (ni d'ailleurs de son réalisateur qui signe là son premier film) et même sa bande-annonce sortie de nul part deux mois avant sa sortie ne nous informait pas clairement quant à son contenu sinon qu'il s'agirait d'un huis-clos. Ainsi, le film semblait reposer sur l'idée de contrebalancer la dimension spectaculaire du précédent en laissant la créature hors-champs. La thématique de l'enfermement étant devenue d'actualité au cinéma, tout autant que l'était le found-footage 8 ans plus tôt, le procédé semblait pertinent. De plus, le scénario allant jouer sur l'ambiguïté des rapports de force entre les trois protagonistes au sein du bunker où se déroule l'histoire, la participation à l'écriture de Damien Chazelle, le réalisateur de l'excellent Whiplash, assurait une certaine tension psychologique.

Howard le connard

Indubitablement, le " monstre " est ici ce geôlier aux intentions assez floues. Incarné par un John Goodman magistral que la mise en scène réussit à rendre terriblement impressionnant, on ignorera jusqu'au bout le degré de bonne volonté et de sadisme qui l'anime. Le personnage principal, Michelle (Mary Elizabeth Winstead, aperçue notamment dans Scott Pilgrim et Boulevard de la Mort) mais aussi Emett (John Gallagher Jr., vu dans States of Grace), un garçon dont ne saura finalement strictement rien, se retrouvent donc devant cet ogre au caractère pour le moins instable, dans une certaine insouciance jusqu'à ce que le doute s'installe et tourne au drame. Le thriller qui s'engage peut alors plus effrayant qu'un Kaijū? Vu comme une relecture de Barbe-bleue, d'autant que la source des peurs envers Howard naît du traitement qu'il aurait accordé à sa femme. Sans jamais réussir à mettre en place un suspense haletant ni un sentiment d'étouffement, faute à une mise en scène assez plan-plan, le film parvient tout de même à rendre tangible l'intensité qui naîtra de cette crainte, même si cela beaucoup de temps avant de se mettre en place. L'autre idée du film est de ne pas donner - jusqu'au dernier quart d'heure - de réponse sur la menace extérieure, et même de sa véritable existence. Les spectateurs fatigués de voir les films d'horreur ne fonctionner qu'à grands coups de jumps-scare, seront ravis de voir qu'un long-métrage essaie, tant bien que mal, de faire naître la peur en jouant sur les non-dits et le hors-champs. A l'inverse, les spectateurs uniquement désireux de retrouver le " monstre " de Cloverfield s'ennuieront devant ce huis-clos assez fade, et ce jusqu'à ce fameux dernier quart d'heure qui parviendra à mettre à plat tous les arguments positifs précédemment listés. Les 5 millions du budget semblent être passés dans les effets spéciaux qui ont été nécessaire à créer le vaisseau spatial et la créature que l'on peut découvrir dans cette dernière partie. On aurait pu espérer que la fameuse bête soit la même que celle du film de Matt Reeves, même si l'action se passe bien loin de Brooklyn, afin d'assurer un semblant de cohérence canonique, mais que nenni, le monstre est tout simplement hideux et n'a rien à voir avec l'ersatz de Godzilla que l'on a vu ravager la Grande Pomme. Décidément, ce film n'a de Cloverfield qu'une partie du titre (rappelons que dans le premier film, le mot indiquait un dossier classé secret défense alors qu'il s'agit à présent du nom de la rue où se déroule l'action). Bad Robot nous assure que le lien entre les deux films, et donc la justification d'un " univers étendue " (lire transmédia) se fera à plus long terme. L'opportunisme commercial ne fait alors plus aucun doute.

Nos attentes pour une édition collector

Les justifications des productions sur les liens narratifs avec Cloverfield.

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