L’inclinaison de la Lune a changé il y a plusieurs milliards d’années si bien qu’elle présentait à la Terre un autre visage. Ce sont les traces de glace d’eau laissées à une même distance des pôles actuels, aux antipodes l’une de l’autre, qui ont mis les chercheurs sur la piste d’un basculement.
La Lune, qui accompagne la Terre depuis environ 4,5 milliards d’années, n’a pas toujours eu ce visage pâle taché qu’on lui connaît aujourd’hui. Ce sont à la fois l’activité interne et les bombardements intensifs que l’astre éprouva dans sa jeunesse qui l’ont façonné. Et vraisemblablement, l’orientation de son axe de rotation a changé il y a plus de trois milliards d’années, comme le montre une étude financée par la Nasa qui vient d’être publiée dans Nature.
C’est en examinant les cartes et les mesures acquises depuis plusieurs années par tout un bataillon de sondes spatiales déployées en orbite autour de la Lune – Lunar Prospector, LRO (Lunar Reconnaissance Orbiter), LCROSS (Lunar Crater and Observation Sensing Satellite) et GRAIL (Gravity Recovery and Interior Laboratory) – que l’équipe de Matthew Siegler, de l’Institut des sciences planétaires de Tucson, est arrivée à la conclusion que le satellite naturel de la Terre a basculé de quelque 5 degrés.
Distribution de l’hydrogène autour des deux calottes polaires de la Lune. En noir, les deux pôles actuels. Les deux bandes en bleu clair indiquent une abondance plus élevée associée à des dépôts de glace d’eau plus importants, à l’abri du rayonnement solaire. Ils sont aussi longs l’un que l’autre et partent dans des directions opposées. Ils suggèrent que les pôles ont dérivé — Crédit : James Keane (University of Arizona), Richard Miller (University of Alabama at Huntsville)
Une anomalie dans le manteau lunaire
Sur la Lune, seules les parties les plus sombres qui ne sont jamais exposées (ou alors très peu) au rayonnement solaire peuvent conserver de la glace d’eau. C’est donc dans les régions polaires que sa présence a été détectée par le spectromètre de Lunar Prospector . Cependant, des anomalies relevées dans la distribution de l’hydrogène (associé à l’eau) avaient intrigué des chercheurs et les ont mis sur la piste d’une possible dérive de l’axe de rotation. En effet, pour chaque pôle, l’hydrogène forme une tache allongée dans la direction opposée à l’autre située aux antipodes, ce qui correspond aux prédictions des modèles développés pour l’occasion, supposant un déplacement de 5 degrés. Elles sont aussi étendues l’une que l’autre, ont constaté Matthew Siegler et ses collègues en recoupant les données des sondes.
Mais comment cela a-t-il pu être possible ? Pour James Keane, de l’université de l’Arizona, qui a travaillé sur des modèles de la structure interne de la Lune pour expliquer ce basculement, le responsable n’est autre que la formation de ce que nous appelons l’océan des Tempêtes (Oceanus Procellarum). Cette grande tache sombre étendue sur environ 4 millions de km2 est aisément observable à l’œil nu un soir de Pleine Lune, dans sa moitié ouest. Ce serait les matériaux radioactifs présents dans cette région qui aurait chauffé le manteau, modifié sa densité et provoqué un important volcanisme en surface qui a rempli l’immense bassin. Avec le changement de la répartition des masses, l’astre a progressivement basculé.