On trouve assez souvent, dans les portraits d’enfants, d’autres couples oiseau/mammifère, dans lequel soit le perroquet, soit le chien, est remplacé par une autre bestiole.
Avec un singe
Armgard et Walburgis, comtesses von Rietberg
Hermann tom Ring, 1564, Westfälisches Landesmuseum für Kunst und Kulturgeschichte, Münster
Deux quasi-jumelles
D’après l’inscription gravée sur le lambris, Armgard à gauche a treize ans, Walburgis à droite en a sept, mais le peintre a visiblement reçu instruction de les représenter comme des quasi-jumelles. Leurs riches vêtements sont plus dignes de princesses que de comtesses d’un petit fief, qui d’ailleurs ne leur appartenait plus !
Une histoire tragique
Leur père, le compte Johann II von Rietberg, surnommé « Jean le terrible », avait assassiné en 1556 l’un des hauts fonctionnaires de Rietberg. Suite à quoi il fut emprisonné à Cologne où il mourut en 1562. A la date du tableau, la comtesse et ses filles avaient donc perdu et leur père et leur fief.
Or le cartouche entre les deux précise qu’elle sont bien les soeurs, demoiselles et comtesses de Rietberg. D’où l’hypothèse que le tableau aurait été une opération de communication destinée à revendiquer leur héritage.
Une famille décomposée
On a maintenant reconstitué le tableau complet (il avait été découpé en trois parties au XIXème siècle, son format très allongé ne facilitant pas l’accrochage).
A gauche, le portait posthume du père, comme le montre le sablier orné d’un crâne et la date sa mort inscrite sur sa main gauche. De la main droite, qui tient un gant, il désigne un objet disparu qui était situé devant Agnes von Bentheim, en habit de veuve. Disparition qui rend la signification profonde du tableau à tout jamais indéchiffrable.
Deux filles-modèles
La cadette tient un livre du bras gauche, qu’un petit singe tapote pour attirer son attention. On pense que, pour une fille de sept ans, les deux emblèmes font allusion à une sagesse et une intelligence précoce. De la main droite elle tend à son aînée un oeillet rouge sur un brin de romarin, un symbole courant de fiançailles.
La grande soeur porte un perroquet sur le bras gauche, et tient de la main droite un linge blanc : c’est donc l’idée de pureté et de virginité que traduisent ces deux emblèmes;
Une image promotionnelle
On sent bien que cette présentation magnifié d’une famille éclatée véhicule, d’une manière ou d’une autre, une intention promotionnelle, sur laquelle les spécialistes se divisent : revendication judiciaire, hommage au père disparu, avis de demoiselles à marier…
Sur cette oeuvre énigmatique, on peut consulter :
http://www.journaldespeintres.com/loeillet-peint-une-fleur-picturale-1ere-partie/
https://de.wikipedia.org/wiki/Familienbild_des_Grafen_Johann_II._von_Rietberg
http://www.nrw-stiftung.de/projekte/projekt.php?pid=489
Perroquet regardant un garçon tenant un singe
1620-40, Jacob van Oost de Oudere, Collection particulière
En écartant le singe grimaçant pour tendre l’oreille vers le perroquet, le jeune homme semble décidé à écouter la voix de la Pureté plutôt que celle des instincts animaux.
On sent un arrière-plan religieux sous cette image : il suffirait de remplacer le singe par un agneau pour obtenir, avec son manteau rouge, un Saint Jean Baptiste apprenant d’un spécialiste l’art de prêcher dans le désert.
Les enfants du Margrave de Trazegnies
Peter Lely, 1650, Collection privée
Les enfants du Margrave ne manquent pas de jouets : le grand frère a un maillet et une balle de croquet, la petite soeur une tétine en or et cristal, et un nécessaire pour chardonneret : perchoir et cage. Le perroquet et le singe sont en indivision.
Ici, pas d’intention symbolique : juste l’affirmation d’un luxe ostentatoire.
Portrait de Louis XV enfant (4 ans)
1714, Pierre Gobert, Prado
Déjà équipé de l’Ordre du Saint Esprit et d’une autorité royale (au moins sur les animaux), l’enfant étend sa main protectrice vers le chien effrayé, et repousse de l’autre le singe grimaçant qui tente de se saisir de la laisse :
Déjà petit, Le Pouvoir ne se partage pas.
Le Chien et l’Oiseau
Portrait de Michael Pompe van Slingelandt,
Jacob Gerritsz Cuyp, 1649, Collection privée
Le jeune garçon arbore la panoplie complète du chasseur : dague, gant de fauconier, faucon encapuchonné, chien qui flaire furieusement.
Il existe un portrait du père de Michael, Matthijs Pompe van Slingelandt (par Jan MIJTENS) le montrant en tenue de chasse, avec ses chiens, ses prises, et un de ses manoirs en arrière-plan. En faisant représenter son fils de la même manière , il souligne l’importance de ce droit de chasse qui marque l’ascension sociale. (voir The Family Picture: A Study of Identity Construction in Seventeenth-Century Dutch Portrait, Kerry Lynn Gavaghan, 2013, p 57).
Enfant avec un faucon et un lévrier
Bernard Vaillant, vers 1670, Collection privée
Le jeune fauconnier de droite est vêtu moins richement et moins ostensiblement : on sent une vraie pratique de la chasse et une vraie familiarité avec les deux animaux. Seul problème : est-il vraiment possible de tenir un faucon à main nue, sans capuchon, et juste retenu par un brin de ficelle ?
Portrait d’un jeune garçon avec un faucon
Wallerant Vaillant, vers 1650, MET, New York
A titre de contre-exemple, voici comment le propre père de Bernard représentait un fils de famille présentant ce très aristocratique rapace.
Garçon au faucon
Joan van Noordt, vers 1650, The Wallace Collection
Il existe néanmoins un autre cas d’un garçon courageux, ou suffisamment complice avec son oiseau, pour le tenir à main nue.
Le fauconnier
Germain Detanger, 1882, Collection privée
Sans parler de cet autre exemple plus moderne, où la main nue s’intéresse peu à la technique de la fauconnerie, mais sert manifestement à suggérer un autre membre.
Laissons le faucon et revenons à des oiseaux plus ordinaires…
Enfant avec un chardonneret et un chien Enfant déguisé en archer avec un chardonneret et un chien
Enfant avec un rouge-gorge attaché et un chien Enfant déguisé en archer avec une biche et un chien
Nicolaes Maes, vers 1660, Collection privée
Nicolaes Maes a produit une série de portraits d‘enfants déguisés, peints dans un extérieur sommaire, et avec des variations minimes : la position des jambes et des bras est toujours la même, sauf dans le dernier de la série où l’archer baisse le bras gauche : il ne va pas porter en trophée la flèche qu’il a renoncée à tirer.
L’idée est toujours la même : le chien cherche à attraper l’animal inoffensif, et l’enfant s’interpose entre les deux. Bonne façon de flatter les parents en vantant la charité du chérubin.
Le chardonneret, oiseau qui peut apprendre des airs, apparaît comme un substitut bon marché du perroquet.
Portrait de Louis, Dauphin de France, duc de Bretagne
Nicolas de Largilliere, 1714, National Museum of Western Art, Tokyo
Il s’agit du portrait posthume du frère aîné du futur Louis XV, mort de la rougeole en 1712. Dans un décor de fin du monde, le jeune disparu console son chien désespéré. A gauche, le chardonneret dit toute la tristesse d’un jeu d’enfant abandonné ; mais aussi l’espérance d’une nouvelle vie puisqu’il s’élève au dessus du chardon, tout comme le Christ a ressuscité après les épines et les clous.
Portrait d’une fillette dite être Miss Mildred Drew Fillette en robe rose avec un chien et un perroquet
Cercle de Bartholomew Dandridge, début XVIIIième
Le recherche de variété dans ces tableaux d’enfants tourne parfois à la complication gratuite : la fillette de gauche semble représentée en bergère, mais tient une pique en guise de houlette, un tricorne posé à côté d’elle : peut-être a-t-elle emprunté ces objets militaires à son père ? De plus, aux cerises régalant très classiquement le perroquet, notre artiste a cru bon d’ajouter le feuillage brouté directement dans la corbeille de fruits.
La fillette de droite est plus conventionnelle : tout en retenant son chien, elle fait voleter au dessus de sa tête un serin retenu par un fil.
Fillette de la famille Gradenigo, avec une colombe et un chien
Francesco Guardi, 1768
Même posture chez cette petite italienne en robe de princesse : le rouge du collier et du long ruban, le blanc du chien et de la colombe, insistent non sur la rivalité entre favoris, mais sur leur communauté de destin : deux amoureux subordonnées aux caprices de leur maîtresse.
Elizabeth and Mary Chichester enfants, à l’âge de 9 et 5 ans
George Chalmers,1777 , Boudoir d’Arlington Court, Devon
Les deux soeurs sont pures comme deux colombes, c’est entendu. Assez étrangement, l’agneau blanc joue à lui tout seul les rôles de nos deux vedettes, puisque la cadette le nourrit et l’aînée l’empêche de nuire. De l’avantage du mouton sur le perroquet et le chien.
« Seulement, le tout-venant a été piraté par les mômes. Qu’est ce qu’on fait ? on se risque sur le bizarre ? »
Portrait de Lucrezia-Emilia, fille de Niccolo di Sinibaldo Gaddi
Santi di Tito, vers 1565, Collection particulière
Niccolo’ Gaddi, ambassadeur de Cosme Ier à Mantoue, était considéré comme l’un des plus importants collectionneurs d’art de son temps. Selon les codes de l’aristocratie éclairée du 16e siècle, les collections de Gaddi comprenaient aussi des animaux exotiques, comme le perroquet que la fillette nourrit d’une grappe de raisin, ou encore la gerboise du désert, peinte sur la gauche, rongeur originaire d’Afrique du Nord. Les trois enfants de Gaddi – Lucrezia, Emilia et Sinibaldo – étant tous morts en bas-âge, la présence de ce rongeur a toutefois une connotation négative, et pourrait indiquer qu’il s’agit d’un portrait posthume.
http://florence-portraits.com/fr/portrait-de-lucrezia-emilia-fille-de-niccolo-di-sinibaldo-gaddi/?theme=1
Fillette de quatre ans avec un chat et un poisson
Jacob Gerritsz Cuyp, 1647, Collection privée
S’il veut son poisson, le chat doit danser. La fillette aux yeux limpides a déjà la cruauté des grandes manipulatrices.