Magazine Cyclisme
Il y a encore quelques années, les amateurs de cyclisme attendaient juillet et le Tour de France la joie au
cœur. Désormais, c'est plutôt le ventre noué, dans l'attente anxieuse de ce que le grand jeu de gendarmes et de voleurs auquel se résume désormais l'actualité cycliste va cette
saison encore bien pouvoir leur réserver. Peut-on rêver cette année que la Grande Boucle se déroule sans "affaires" ? Peut-on envisager que les chevaliers blancs du dopage et les âmes damnées de
la fléchette aillent pour une fois rompre des lances ailleurs ? L'actualité récente pourrait nous donner quelques maigres espoirs, quoique…
Après tout, nos gardiens de la bonne conscience, qui sont souvent ceux-là même qui en 1996 se poussaient du coude hilares en salle de presse
en donnant du "Monsieur 60%" à Bjarne Riis, ont eu leur victoire. La confession du Danois au taux d'hématocrite légendaire, vainqueur du Tour 1996 grâce à la fée EPO,
marraine du peloton dans ces belles années, leur a donné leur soleil d'Austerlitz. Rayé des tablettes le Viking, pour avoir sacrifié à l'exercice très protestant de la mortification, éjecté de la
caravane du cycle le manager de la CSC ! Bien. Mais à quoi tout cela rime t-il au fond ? Car, en toute logique, s'il fallait mettre à plat le palmarès de la Grande Boucle et assainir une fois
pour toutes l'atmosphère en écartant du milieu tous les dopés ou supposés tels, l'ampleur de la tâche donnerait des maux de tête jusque dans les plus hautes sphères d'ASO…
Par exemple, en poussant à son terme la logique de chasse aux sorcières qui prévaut actuellement, pourquoi tolérer que d'anciens pécheurs prêchent
toujours la bonne parole aux micros des grandes chaînes de télévision ? Bernard Thévenet, contrôlé deux fois positif aux corticoïdes du temps de sa splendeur, Laurent Fignon,
rattrapé par les amphétamines en 1987/88, ou notre Richard Virenque national et ses maillots à pois rouges survitaminés, sont-ils bien dignes des accréditations qu'en tant que consultants on leur
accorde, semble t-il sans broncher ?
Caviarder le palmarès pour prouver que l'on lave plus blanc que blanc touche aussi au sublime. Pourquoi ne pas donner de vainqueur
au Tour 1996, alors que l'édition suivante, où il n'y a quasiment aucun coureur "blanc bleu" dans les cinquante premiers, conserve son maillot jaune, le désormais "sulfureux" Jan
Ullrich, selon la formule accolée dans la presse aux noms de tous les indésirables du peloton ? On peut même aller plus loin. Pourquoi continuer à alourdir la légende du Tour avec ceux qui, un
jour ou l'autre, ont échoué au test de l'éprouvette ou ont simplement, comme Bjarn Riis, avoué après coup avoir abusé de la "topette". À la trappe les cinq Tours de Jacques Anquetil, qui
selon sa formule n'a pas toujours bu "que de l'eau claire" ! Aux oubliettes tous les maillots à pois de Richard Virenque ! Classée au rayon "pertes et profits", la victoire de Thévenet
en 1977 et celles de tant d'autres ! À ce compte-là, le palmarès de la Grande Boucle sera bientôt aussi mité que la gabardine de Boudu et les enjoliveurs de mémoire au courroux sélectif risquent
d'avoir à réactualiser pas mal de biographies. Un conseil : qu'ils s'y mettent dès maintenant et nous foutent la paix rien que le temps d'un été.