Dans la vie de William, rien ne s’est vraiment déroulé de manière conventionnelle. A sa naissance, ses parents ne souhaitent pas s’occuper de lui. Trop jeunes, trop occupés… Le voici confié en pension complète à une nourrice. Choyé, dorloté, il ne comprend donc pas qu’à sept ans, ses parents décident de le récupérer. Sa mère ne lui manifeste pourtant qu’un intérêt limité. Quant à son père, difficile de cerner réellement qui il est tant il est évasif sur son passé… Ce qui est sûr, c’est qu’il s’applique à infliger à William une lente torture psychologique, de brimades en blessures et humiliations, sous le regard certes désapprobateur mais bien silencieux de sa mère.
Je connais, comme beaucoup, le chroniqueur de l’émission “Touche pas à mon poste”, ses avis tranchés et surtout son domaine d’action culturel. Aussi Anne Sophie m’a-t-elle gentiment prêté ce livre après l’avoir lu et beaucoup aimé. Je dois avouer que pour ma part, je reste un peu sur ma faim. Certes, face à la vie de William, difficile de rester indifférent. Comme il paraît que ce livre est en partie autobiographique, je ne me permettrai pas trop de juger de la facilité de quelques ficelles, mais si c’était une fiction, on en serait presque là. J’ai de loin préféré le récit des brimades du père, dont certaines sont d’une habileté qui frôle le raffinement. La torture au fromage, par exemple toute simple, mais diablement efficace sachant que l’enfant déteste ça, m’a laissé un souvenir particulièrement aigü. Le malaise se construit petit à petit notamment sur une question sous-jacente mais essentielle: pourquoi récupérer cet enfant si c’est pour le maltraiter autant?
Et c’est là une des premières déceptions. Les révélations familiales finales sont toutes assez prévisibles finalement et l’exploration psychologique d’un tel imbroglio reste superficiel alors qu’il y avait pas mal de matière. Tout y est ébauché: la rivalité avec le faux frère/vrai fils, les angoisses de William lorsqu’il devient père à son tour, … mais rien n’est vraiment approfondi et n’a réussi à me toucher. Je suis restée très extérieure à cette histoire.
La faute, en grande partie, au style d’écriture. Je l’ai trouvé assez plat, et surtout lui-même assez extérieur à sa propre histoire. Le narrateur omniscient, par exemple, qui semble analyser les pensées de William plus qu’y plonger, m’a beaucoup agacé par sa manière de tout nommer sans laisser placer au ressenti, comme si le lecteur avait besoin de sous-titres. J’ai eu presque l’impression de pouvoir écrire cela moi-même et en général, ça ne me plaît pas.
La note de Mélu:
Sympathique, mais pas inoubliable.
Un mot sur l’auteur: Christophe Carrière (né en 1964) est un journaliste et critique de cinéma français.