*source photo de la région de Yoshino (lieu de vie des arbres à laque), véritable refuge des mystérieux Kamis ou esprits de la montagne (lien reprenant la visite du site par des francophones)
« Il avait choisi une laque rouge qu’il ne voulait ni trop mate ni trop brillante, comme un miroir, mais suggérer que la clarté émanait de la matière elle-même. »
Une laque susceptible de mettre à nu et non de recouvrir le bol de bois, l’« âme » fait de cyprès, de magnolia, de cerisier ou de paulownia ou encore de pin. Une âme aussi fine qu’une coquille d’œuf.
« Quand il serait fini – si un tel jour arrivait jamais-, il forcerait ceux qui l’utiliserait à cultiver la grâce dans chacun de leurs gestes. Possédant ceux qui croyaient le posséder, il se ferait leur maître, et à force de le remplir de riz, de nouilles et de bouillon clair, à force de le caresser pour le laver, on finirait par parler moins fort et par marcher d’un pas plus léger.
Une fois l’âme recouverte de plusieurs apprêts à base de colle, de jus de kaki et de caséine, il fallait lui appliquer trois types d’enduit, inférieur, intermédiaire et supérieur, constitués chacun de plusieurs couches nécessitant chaque fois un séchage et un polissage particuliers. »
(extraits de « Le maître de la laque » de Ariane BUISSET)
*source du processus de fabrication de la laque
La sève de l’ « Arbre à laque », de ce « Vernis du Japon », ce Sumac japonais, le rhus vernicifera, pure, est filtrée puis séchée et enduite, couche par couche. Vous aurez peut-être choisi de suivre vous-même le gemmage des arbres à laque (collecte de l’exsudat, résine, coulant des incisions) en vous référant là.
*source gemmage urushi
Mais l’urushi, la laque en japonais, se prépare avec une minutie, une patience, un doigté qui demandent bien des étapes de sérénité : il ne suffit pas d’avoir la base, l’Arami-urishi. Rajouterez-vous au deuxième filtrage, comme Maître Oki, personnage de Ariane BUISSET, des proportions variables d’huile de haricots et des pigments avant de démarrer le laque (objet laqué).
Pour mettre à nu votre âme, il vous reste à suivre les étapes : le Kijigatama (enduction) pour faire perdre au support sa capacité d’absorption, le Shitaji ou shitajigatame (empâtement) en durcissant ou non l’élément, le Nakanuri (polissage), le rajout de la pigmentation et le lustrage (facultatifs), le uwa-nuri-urushi (lustrage) et enfin le séchage humide. Il vous faudra nécessairement l’aide d’un maître laqueur japonais, Keisuke ASAI par exemple, celui qui vous a mis sur la voie avec ces étapes (à retrouver ici).
Et voilà tout est là : du lait (par sa substance protéique la caséide), des kakis (oui, oui, seulement le tanin des shibugaki, kakis verts, non sucrés au goût amer, mais tout de même), une infusion (non, surtout pas, le sumac est extrêmement dangereux à utiliser, alors seul celui-ci sert pour sa résine !)
*source shubaki où l’on nous explique en idéogramme comment utiliser son tanin. A ne rien y comprendre !
*source Rhus vernicifera de Johann Jacob DILLENIUS
…il vous manque le riz, rien ne vous en empêche…
Vous ne me suivez pas : le lait permet la « laque essorée » shibo-urushi, les shibugaki pour leur action antibactérienne ou le riz comme adhésif propre à la laque nori-urushi. Les autres détails incongrus sont là.
Si vous souhaitez un très beau billet sur les laques asiatiques et autres, les époques, les différences, c’est ici. Et je vous laisse en rêvant d’un bol rouge, à la méthode shunkeinuri, la plus simple parait-il, sans nuances, ni rajouts, ni dessins… celui qui sera l’aboutissement du travail du maître de la laque, Oki, d’Ariane BUISSET .