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L'effet néfaste des néonicotinoïdes sur les abeilles démontré en laboratoire

Publié le 23 mars 2016 par Gezale

Le groupe d'experts internationaux spécialisés sur la biodiversité (IPBES), créé en 2012 sur le modèle du groupe international d'experts sur le Climat (Giec), a publié le 26 février son premier rapport qui alerte sur le déclin au niveau mondial des espèces pollinisatrices, à l'occasion de sa quatrième réunion plénière, à Kuala Lumpur (Malaisie). Ce rapport, de 800 pages, a été réalisé par 77 experts. Il est le fruit de deux années d'analyses des données disponibles, alors que les études scientifiques se succèdent sur la mortalité des colonies d'abeilles, confirmant le rôle d'agents infectieux et de pesticides qui sont susceptibles d'interagir entre eux L'abeille domestique à miel européenne (Apis mellifera) est "le pollinisateur le plus répandu dans le monde, produisant près de 1,6 million de tonnes de miel par an, selon les estimations. A elles seules, les abeilles sauvages comptent environ 20.000 espèces", soulignent les experts de l'IPBES. Des espèces de papillons de jour et de nuit, de guêpes, de coléoptères, d'oiseaux, de chauves-souris et d'autres vertébrés contribuent également à la pollinisation. La perte des pollinisateurs impacte la sécurité alimentaire Le rendement des cultures "dépend tant des espèces sauvages que des espèces domestiques". Le rapport rappelle "l'importance de la pollinisation pour la sécurité alimentaire mondiale". 80% des cultures à travers le monde sont dépendantes de l'activité des insectes pour la pollinisation, au premier rang desquels les abeilles domestiques et sauvages. 16% des espèces de pollinisateurs vertébrés (oiseaux, chauves-souris) sont menacées d'extinction à l'échelle mondiale et jusqu'à 30% sur les îles. "Et cette tendance risque de s'accentuer", préviennent les chercheurs, en s'appuyant sur les statistiques de la liste rouge de l'UICN. En Europe par exemple, 37% des populations d'abeilles, sauvages et domestiques, et 31% des papillons sont déjà en déclin, tandis que 9% de ces espèces sont menacées d'extinction. La valeur annuelle des cultures mondiales, directement touchées par les pollinisateurs, est estimée "entre 235 et 577 milliards de dollars", précise l'IPBES. Un résumé du rapport d'une trentaine de pages, à l'intention des décideurs, vise à les aider à impulser une politique afin d'enrayer les pressions. "Ce résumé a été validé par les représentants d'une centaine de pays. Il tire 22 messages clés, un ensemble de faits essentiels et surtout une palette d'outils pour l'action dont les décideurs publics ou privés sont invités à se saisir. La délégation française est intervenue pour faire en sorte que tout l'état de la science y soit pris en compte", a souligné Jean-François Silvain, président de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) qui anime le Comité français pour l'IPBES. Effets des néonicotinoïdes démontrés en laboratoire Le déclin des pollinisateurs sauvages est principalement dû "à des changements dans l'utilisation des terres, aux pratiques de l'agriculture intensive et à l'utilisation de pesticides, aux espèces invasives [frelon asiatique, ndlr], à des agents pathogènes [parasites dont le varroa, ndlr] et au changement climatique", a résumé Robert Watson, le nouveau président de l'IPBES. Le rapport pointe en effet les pratiques agricoles intensives, dont l'usage massif des pesticides néonicotinoïdes (imidaclopride, clothianidine et thiamethoxame). Leurs "effets létaux et sublétaux" sur les abeilles ou bourdons sont démontrés en laboratoire. Le rapport souligne toutefois le manque de données "concluantes en conditions réelles", tout en notant qu'une étude récente a montré des effets négatifs sur les pollinisateurs sauvages. Cette étude, menée sur le terrain en Suède, montre que "l'utilisation d'un insecticide à base de néonicotinoïdes [clothianidine par le biais de pollen de colza, ndlr] a une incidence négative sur la reproduction des abeilles sauvages, mais n'a aucun effet sur les colonies d'abeilles à miel". Pour rappel, la Commission européenne a décidé en 2013 de restreindre l'usage de ces trois substances (thiaméthoxame, clothianidine, imidaclopride), au vu des risques suspectés pour les insectes pollinisateurs, et de lancer une ré-évaluation. "Les évaluations actualisées, qui se pencheront sur l'utilisation de ces substances en tant que traitement des semences et granules, seront finalisées pour janvier 2017", a précisé l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Deux autres substances néonicotinoïdes (acétamipride et thiaclopride) sont actuellement inscrites dans un programme de réexamen en vue de leur ré-approbation dans l'UE. "L'incidence directe et indirecte des insecticides a été un des moments forts lors de la validation du résumé pour décideurs. Les experts suggèrent de réduire l'exposition des pollinisateurs. Le rapport invite à poursuivre les efforts pour évaluer les impacts, notamment à long terme et sur un ensemble large d'espèces", a précisé Jean-François Silvain. Les experts recommandent de réduire l'usage des pesticides, via des techniques alternatives de lutte contre les ravageurs, le soutien à l'agriculture biologique, l'agroforesterie ou encore la rotation des cultures. Mais selon Le Monde, la présence de deux salariés des industries agrochimiques Bayer et Syngenta, parmi les experts de l'IPBES chargés d'élaborer ce rapport, a suscité la polémique durant cette session plénière, accusés de conflits d'intérêt. "La vraie question est de savoir si les scientifiques liés à l'industrie aident ou empêchent les progrès scientifiques", a répondu l'IPBES. Elle estime nécessaire d'impliquer les experts qualifiés de cette industrie "dans la recherche de solutions". Impacts des plantes transgéniques : des lacunes de connaissances Quant aux cultures OGM, leurs effets sublétaux et indirects sur plusieurs pollinisateurs "ne sont pas encore bien compris", indiquent les experts de l'IPBES. "Il est important de souligner ces lacunes de connaissances. L'incidence des plantes génétiquement modifiées sur les pollinisateurs est un domaine où il y a encore un gros travail à faire", a indiqué le président de la FRB. Or, "l'évaluation des risques, avant l'agrément de mise sur le marché ne prend pas suffisamment en compte les effets sublétaux et indirects des plantes transgéniques résistantes aux insectes ou celles tolérantes aux herbicides, en partie liée à ce manque de données", a-t-il prévenu. Selon l'IPBES, la tolérance aux herbicides "réduit la disponibilité de mauvaises herbes", qui constituent une source d'alimentation pour les pollinisateurs. Au contraire, la résistance aux insectes "se traduit souvent par une diminution de l'utilisation d'insecticides et peut contribuer à atténuer les pressions qui s'exercent sur les insectes utiles, y compris les pollinisateurs".

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