Ballerine j’ai été
Mais jamais n’ai dansé
Devant les grilles
N’ai fait que trois pas
Si bref le début
Si tôt nié
J’ai dansé sur l’envers
Du temps cadencé
Danseuse j’ai été
Mais jamais n’ai dansé
Me suis enfermée
Dans la prison du roi
Où, la mer ouverte
Et le temps blanchi ?
Me suis perdue si près
Du jardin recherché
Ballerine j’ai été
Mais jamais n’ai dansé
Ma vie entière j’ai été
Comme aveugle à errer
Ma vie attachée
Jamais ne l’ai détachée
Comme Rimbaud
Moi aussi je dirai :
« Oisive jeunesse
A tout asservie
Par délicatesse
J’ai perdu ma vie. »
***
Sophia de Mello Breyner Andresen (Porto, Portugal 1919-2004) – Le nom des choses (O Nome das Coisas, 1977) – Traduit du portugais par Michel Chandeigne