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Comme l'indiquait Google Trends, outil permettant de connaître la fréquence à laquelle un terme a été tapé dans le Google, les recherches pour "Move to Canada (Déménager au Canada)" ont atteint le niveau le plus élevé de toute l'histoire du moteur de recherche dans la foulée du "Super Tuesday". Vers minuit, soit juste après l'annonce des résultats, la hausse de la recherche a ainsi atteint 1150% par rapport à la moyenne du jour. Et d'ailleurs, c'est du Massachusetts, État relativement proche de la frontière avec le Québec et où Donald Trump l'a emporté largement avec 49% des voix, que la majorité des recherches semblait venir.
Autre preuve de la ruée de certains Américains pour se renseigner sur les possibilités d'émigration vers le voisin canadien, le site du gouvernement de ce dernier subissait quelques problèmes techniques, probablement liés à l'afflux massif et inhabituel de visiteurs.
Les Canadiens ne se privent d'ailleurs pas pour faire des appels du pied à tous ceux qui se sentent menacés par une arrivée - de plus en plus probable - de Donald Trump à la Maison Blanche. Le conseiller municipal de Toronto, Norm Kelly, a ainsi vu son message invitant les Américains à remplir le formulaire d'immigration re-tweeté près de 50.000 fois.
C'est néanmoins une autre initiative plus loufoque qui a fait le buzz, celle de l'animateur radio canadien Rob Calabrese, qui a lancé le site cbiftrumpwins.com (Cap Breton si Donald Trump gagne) afin d'inciter les Américains à venir vivre sur son île de Cap-Breton (à l'Est du Canada) si Donald Trump devenait le nouveau président américain.
Conçu le 15 février 2016 comme une blague, le site a rapidement reçu des milliers de messages de citoyens américains posant des questions tout à fait sérieuses sur les conditions d'installation sur l'île. Comme l'explique le fondateur du site "Ils me posent des vraies questions sur le processus d'immigration, la situation économique. Certains ont pris ça très au sérieux, ce que je n'avais pas prévu. Mais c'est super, je vais les aider du mieux que je peux". Peu après sa création, le site ainsi que celui de l'office de tourisme de Cap-Breton ont reçu plus de 300.000 visites en une semaine, soit autant que toute l'année 2015; une aubaine pour une île de seulement 135.000 habitants avec une population en chute libre.
Le Canada n'est d'ailleurs pas la seule destination envisagée par les Américains effrayés par la "menace" Trump. Une étude datant de septembre 2015, et portant sur 200.000 tweets d'Américains prévoyant de partir si Trump était élu, a révélé que le Mexique était leur destination préférée - 75.000 mentions - et que le Canada arrivait second avec 25.000 mentions. En outre, la plateforme statistique Google Trends a aussi enregistré des chiffres recors pour la recherche "How to move to England? (Comment émigrer en Angleterre)", preuve de la diversité des destinations envisagées par ceux effrayés par Donald Trump.
Bien que particulièrement visible cette année, en raison notamment du discours extrêmement clivant du candidat Trump, la menace de quitter le sol américain si le "mauvais" candidat est élu est en réalité un phénomène récurrent. Ainsi, en 2004, quand George W. Bush a commencé à distancer le démocrate John Kerry, les demandes d'émigration au Canada on triplé. Idem en 2012 où de nombreux démocrates avaient juré de fuir le pays en cas de présidence de Mitt Romney qui a perdu face à Barack Obama. Dans l'autre camp, certains conservateurs avaient eux aussi promis de déménager si la réforme du système de santé - l'Obamacare - était adoptée.
En réalité, la très grande majorité de ces menaces ne sont pas mises à exécution, à l'image de la stabilité des migrations vers le Canada l'année suivant la réélection de George W. Bush fin 2004. Au final, le nombre d'Américains partis vivre au Canada a certes doublé sous le mandat du président Bush mais, selon les experts, cette augmentation n'avait presque rien à voir avec les élections.
Peu de gens sont en réalité prêts à passer de la parole aux actes et à se déraciner, notamment parce qu'ils ont tendance à surestimer leur souffrance si l'issue redoutée se matérialise. Pourquoi cette exagération? Parce que les moments prosaïques de notre vie quotidienne - aller au travail, rentrer chez soi - ont plus d'effet sur notre esprit que des résultats politiques et que notre vie est largement dominée par les événements ordinaires. De plus, une défaite est souvent moins douloureuse qu'on ne l'imagine parce que les êtres humains ont tendance à surévaluer la durée d'une souffrance psychologique.
Le traumatisme sera donc certainement fort pour les démocrates les plus fervents si Trump accède à la Maison Blanche mais celui-ci sera probablement estompé très vite par le fonctionnement normal et banal de leur vie quotidienne. Peu de chances donc de voir les nombreuses célébrités américaines, de Whoopi Goldberg à Michael Moore en passant par Cher ou Miley Cyrus - cette dernière est même apparue en larmes sur Instagram pour expliquer son choix - effectivement quitter le territoire américain.
A moins que, pour une fois, la réalité d'une présidence Trump soit à la hauteur de la menace que laisse planer le discours du candidat. Dans ce cas alors, on pourrait s'attendre à une vague massive de départs, un phénomène observé une seule fois, lors de la guerre du Vietnam, lorsque de nombreux Américains voulaient échapper à la conscription...