Elle a fermé les yeux pour mieux fermer son cœur. C’est à cela que je l’ai reconnue, à ce voile imperceptible qui habillait son regard alors qu’elle fixait l’horizon, et je suis passée devant elle sans me retourner, et j’ai poursuivi ma route pour mieux fuir, hantée d’une présence fantôme qui n’était pas elle, juste le souvenir de ce qu’elle avait été lorsqu’elle regardait encore le monde.
Mais c’est sur ses pas que j’ai marché. Car il en était de son absence comme d’un poids, et de nous deux je reste celle qui n’a jamais eu d’ailes.
Je l’ai laissée fuir. C’était plus facile. C’était la seule chose qui demeurait en mon pouvoir.
Mais c’est sur ses pas que j’ai marché. Et de nous deux je suis celle qui s’ancre au sol en dépit de tout. Et de nous deux je suis celle qui porte la parole.
Au bout de la route que nous empruntons l’une après l’autre, il y a quelque chose, je le sais. Quelque chose qu’elle a vu avant moi, quelque chose qu’elle m’a chargée de dire. Et de recueillir. Quelque chose qui est tellement plus que le souvenir.
Quelque chose qui me tue en silence.