Fidèle à son impérissable slogan électoral, "travailler plus pour gagner plus", notre Président fit voter l’an dernier par une majorité alors docile sa fameuse loi TEPA, qui devait porter le pouvoir d’achat à des hauteurs jusqu’ici insoupçonnées. Une disposition de ladite loi exonérait de charges sociales et d’impôt sur le revenu les heures supplémentaires. Contre toute évidence, le gouvernement clame depuis que des milliards de revenus supplémentaires ont ainsi été générés. Mais visiblement cela n’a pas comblé les entreprises. En toute inconséquence, notre Président s’apprête à les affranchir de la durée légale du travail, sans remarquer qu’il risque ainsi de faire disparaître les heures supplémentaires qu’il avait si ardemment encensées.
Bien sûr, on ne va pas supprimer les 35 heures, ce qui serait agir en idéologue. Mais on va donner aux intéressés la possibilité de négocier la durée hebdomadaire du travail. Et pas nécessairement par branche, mais au niveau de chaque entreprise. Comme si les entreprises étaient régies démocratiquement ! Il est possible que, maniant, selon les cas, la carotte ou le bâton, une direction puisse rallier les salariés à ses vues. Mais lorsque les discussions n’aboutissent pas, on se borne à dresser un constat de désaccord et c’est la position de la direction qui l’emporte. Il est donc fallacieux de parler à ce propos de négociation.
Une négociation n’est possible que lorsqu’il y a égalité de droits entre les différentes parties. Mais dans les entreprises, elle se résume trop souvent à accorder au renard la liberté dans le poulailler. Une loi fixe la durée du travail. Il est scandaleux, et même inconséquent, de vouloir la contourner par des négociations structurellement inéquitables.
J’ai pu constater dans l’entreprise filiale d’une multinationale américaine où j’ai fait ma carrière comment, année après année, elle pratiquait la politique salariale de son choix, sans accorder la moindre considération aux vœux des employés. A la faveur de la loi Giraud, arguant de difficultés économiques, elle parvint même à appliquer une diminution de salaires significative. Lorsque la maison mère exigea que soit réduit le taux de dépenses rapporté au chiffre d’affaires, on incita les plus anciens à quitter l’entreprise et on constitua des provisions pour financer les indemnités liées à ces départs. Ainsi, après les augmentations, ce sont les bénéfices qui fondirent et avec eux disparurent intéressement et participation, sans parler des impôts dus au Trésor public.
L’intéressement résulte de la comparaison de résultats avec des objectifs. Ceux-ci, avec parfois des simulacres de négociation, étant fixés par l’entreprise, c’est sa direction qui décide de l’attribution éventuelle d’un intéressement. Cette même direction est également en mesure d’influer sur le montant des bénéfices.
Appâter les salariés en agitant devant eux les termes de primes, heures supplémentaires, intéressement, participation, c’est les leurrer. C’est précisément pour cela que les employeurs le font si souvent. La seule jauge solide en matière de rémunération, c’est le salaire.