Après une période de bilan manga chargée, je commence à retrouver du temps pour faire baisser la pile des mangas à lire… Ce ne sont pas les bonnes lectures qui manquent, donc autant les partager avec vous. Au programme de cette semaine ? Ce sera la guerre par Bélénos ! Moyen-âgeuse, normande, orientale ou romano-carthaginoise, la thématique a pas mal de bons étendards et l’arrivée d’un petit nouveau, Hawkwood chez Doki-Doki, était l’occasion de faire un point sur le genre… En route pour ces trois chroniques guerrières !
Hawkwood #1 & 2 de Tommy OHTSUKA chez Doki-Doki : je l’avais évoqué à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux puis dans les attentes du mois de Journal du Japon : en ce mois de mars, j’ai enfin pu le lire ! Pour ceux qui n’en ont pas entendu parler , voici le petit résumé officiel commenté façon vis-ma-vie de gars du cru.
L’histoire se déroule donc au XIVe siècle, royaume de France, province de Normandie. (OUAI, CHEZ MOI ! ) La petite ville de Carentan (où je passe à chaque fois pour aller voir Mamie Thérèse, près de Coutance dans la Manche) est sous la menace de l’ennemi (la ville hein, pas Mamie Thérèse). Devant ses murs se presse l’armée régulière anglaise, lancée à la conquête de la France (à l’époque de Mamie Thérèse, dans sa jeunesse, les Anglais on les aimaient bien et on les planquaient dans la grange pour qu’ils évitent les Allemands. Nous les Normands on sait pas c’qu’on veut, c’bien connu crénom de d’là !). À la tête de cette armée, le prince Édouard, fils légitime du roi d’Angleterre (pas des marrants dans la famille, c’est moi qui vous l’dis !). Pour se sortir d’une situation a priori désespérée, les assiégés font appel à la « compagnie des corbeaux blancs » de John Hawkwood, un officier audacieux dont les stratégies outrepassent les règles de la chevalerie…
En effet, la guerre, surtout quand ça dure 100 ans et qu’on se tape dessus pendant 2, 3 voir 4 générations (imaginez une guerre débutée par votre arrière-grand père que vous devez faire à votre tour), ça coûte cher. Que ce soit entre des seigneurs cousins qui se déchirent pour des domaines ou un pays qui affronte sans arrêt un envahisseur étranger, on finit par apprendre à faire avec ce qu’on a sous la main. C’est ainsi que Sir John Hawkwood (1320-1394), considéré comme le premier mercenaire de l’ère moderne, offre les services de sa compagnie, les fameux corbeaux blancs, pour peu qu’on les paie grassement.
Pour mener chaque mission à bien ce chevalier qui ne paient pas de mine, avec son armure basique et son cheval vieillissant, est des plus pragmatiques. Il n’a que faire des codes bien-pesants de la noblesse ou de la chevalerie – aussi galvaudés qu’inefficaces – car c’est celui qui gagne qui a raison, vu qu’il reste en vie et qu’il empoche les trésors de la victoire.On apprécie autant l’ingéniosité d’Hawkwood, pour ses plans sur le champ de bataille, que son mépris des titres ronflants et des attitudes pompeuses de certains commandants. Un désintérêt pour les bonnes manières qui est loin de le rendre populaire soit dit en passant, ce qui va laisser quelques traces assez sombre dans sa bibliographie d’ailleurs, comme on peut le voir ici. Mais il n’en a cure et suit son objectif qui nous reste encore mystérieux, d’ailleurs. Hawkwood est donc un homme de terrain à la tête d’une compagnie assez sympathique : ils ont beau faire de la guerre leur métier, ils profitent de l’instant présent quand ils le peuvent et partent au combat quand il le faut, pour faire le job qu’on leur a confié. Des seconds rôles qui, comme tout ceux de la série, ne sont pas forcément marquants mais ils apportent leur contribution au tableau global qu’OHTSUKA dresse sur ces guerres du Moyen-Âge.
Et la Normandie ou l’Histoire dans tout ça ? Disons que c’est l’une des composantes du récit parmi d’autres, un peu à l’image d’un Wolfsmund et de son histoire de l’Helvétie : important mais pas forcément central. On retrouve plusieurs points d’ancrage comme le Roi Edouard, la ville de Carentan, le Comte d’Alençon ou encore les chevaliers de Saint-Lô. Mais le but n’est pas de raconter, détails à l’appui, la vie de l’époque, le contexte historique ou que sais-je du contexte du XIVe siècle : ce qui nous intéresse ici c’est surtout l’histoire de soldats hauts en couleur qui se tapent copieusement les uns sur les autres en usant de toute une batterie de technique, d’armes et de stratégies propres à l’époque, avec boyaux et hémoglobine en bonus. Il se trouve simplement que, en bonus, tout ceci se déroule dans un lieux familier et à une époque que nous avons tous croisé un moment ou à un autre dans nos livres d’Histoire. C’est donc l’épopée qui prime avant tout pour ce récit en huit tomes et qui s’intéresse surtout au destin de notre célèbre mercenaire.
Arslan #4 de Hiromu ARAKAWA & Yoshiki TANAKA chez Kurokawa : Le titre fait honneur à son titre « La légende héroïque de« . C’est en effet une vraie épopée que nous offre cette superbe adaptation. Je vous en ai déjà parlé à travers mes différents ôdes à Arakachou, l’une des meilleures mangakas de sa génération, mais ce volume quatre apporte une pierre de plus à l’édifice. Après avoir ajouté un bel éventail de protagonistes durant les premiers tomes, la mangaka commence à mettre en exergue les différentes forces en jeu dans le combat pour le royaume de Parse : on découvre quelques seigneurs aux allégeances diverses et changeantes, mélangeant ainsi la loyauté et le sens du devoir, la trahison et le profit ou tout simplement le pragmatisme et la neutralité.
Au milieu des rouages du destin qui commence à s’emboîter on apprécie de voir le héros, notre jeune Arslan, en doute idéologique. Car dans ces deux camps qui s’affrontent ce manga a l’intelligence de poser un fléau dans chacun des deux camps… Lusitania, à l’ouest, vénère le dieu unique Yaldobaoth et cherche à imposer sa religion aux autres royaumes avec une folie qui est parfaitement retranscrite à travers le monomaniaque et sanguinaire prêtre Bodin – un chara design de sadique qui vous remue les tripes, un démon totalement haïssable – et Parse à l’est, un riche royaume polythéiste repose sur un système de l’esclavage que veut donc abolir Arslan. Mais redonner aux gens un libre arbitre n’est finalement pas chose aisée. La liberté est une belle idée, mais redonner leur indépendance et exiger l’autonomie de personnes qui vivent en moutons obéissants depuis des années peut se révéler parfois contre-productif au départ.
Au milieu de ça on continue de profiter de très belles scènes d’action dans des chevauchées animées, de protagonistes très humains, aux personnalités variés et un humour qui n’est jamais très loin : la fusion parfaite entre ce roman de fantasy de haute tenue, qui mérite son titre d’épique, et le style Arakawa que l’on apprécie tant. Pas étonnant, donc, qu’il soit l’un des meilleurs lancement 2015 et il est réconfortant de voir qu’il en a encore sous le coude. En plus la petite interview bonus à la fin entre ARAKAWA et SUZUKI (Seven Deadly Sins) c’est un petit caviar qui nous permettra d’attendre le tome 5 début juillet pour Japan Expo. On a hâte !!!
Ad Astra#8 de Mihachi KAGANO chez Ki-oon: ce titre là aussi tient bien son rang de fresque historique. Jusqu’ici le mangaka évite assez bien la redondance : on a eu la genèse d’Hannibal, puis de Scipion, suivi par la démonstration du génie militaire du carthaginois et ses victoires successives sur les Romains qui se prenait pour les maîtres du Monde. Je vous parle de tout ça ici et là. Les romains ont été poussé dans leurs derniers retranchements, craignant même pour leur mère patrie, mais ils réussissent depuis quelques chapitres à rendre coup pour coup et à stopper la progression de leur ennemi.
Avec l’apparition d’hommes d’envergure et les premières défaites, les hommes d’Hannibal commence à défier l’autorité de leur chef et ce dernier leur laisse donc de la place dans ce volume : Maharbal le chef Numide (de la Numidie, ancien royaume du Maghreb où se situe la célèbre Constantine) part donc affronter tout seul le Général Marcellus pour la seconde bataille de Nola, qui fait partie des grandes batailles de l’antiquité. Ce seinen continue donc de nous faire voyager dans l’histoire et de nous dépeindre l’arrogance humaine dès qu’il s’agit de guerroyer. En huit volumes on ne compte plus les chefs, commandants ou généraux des deux bords (romain ou carthaginois) sûr de faire mieux que leur prédécesseur et de plier vite fait bien fait le conflit pour revenir sous les hourras de la foule et acquérir le pouvoir ou la renommée convoitée.
Face à cette bêtise il y a le génie et le calme d’Hannibal, le talent d’observation de Scipion… mais aussi un troisième intervenant qui apparaît dans ce tome : le célèbre Archimède, scientifique bien connu et citoyen de Sicile, habitant de la place forte portuaire de Syracuse pour être plus exact. Cette citée et cet île au cœur de la méditerranée sont d’une importance capitale dans ce conflit, mais ces habitants hésitent pas mal, à cette époque, entre une allégeance romaine et une alliance avec les carthaginois. C’est pour le moment les seconds qui ont la main mise sur Syracuse et qui profitent de notre ingénieux créateur, capable de créer des machines redoutables qui vont couler de nombreux navires romains. Mais Archimède est un scientifique pacifiste et voir son génie utilisé pour tuer lui pose un cas de conscience : il pourrait bien se laisser convaincre par l’ennemi. Vous l’aurez compris, Ad Astra reste donc une belle leçon d’Histoire, librement adaptée mais toujours ancrée par les dates clés et riche par son développement des grandes figures et des grandes batailles de cette époque. De quoi faire de vous un ou une passionné(e) des guerres puniques !
Et voilà pour ces lectures… De tous ces titres et d’autres, il en est question, en images et commentaires, sur les réseaux sociaux comme Instagram, Facebook ou Twitter pour des impressions post-lecture à chaud. On finit avec la pile de choses à lire, toujours aussi volumineuse avec un invité surprise… Y a des choses qui vous intéressent là dedans ?