100... 200... 400... Les migrants sont de plus en plus nombreux à tenter de se regrouper dans la capitale - comme ailleurs - pour y mener une " bataille de Stalingrad " qui consiste à supplier publiquement pour obtenir des solutions d'hébergement, de prise en charge, d'information, d'accompagnement vers le droit et la santé... Une bataille de Stalingrad revisitée par les migrants ! De plus en plus nombreux à refuser l'invisibilité dans laquelle on voudrait les plonger pour gommer le problème dans l'esprit des citoyens. Mais c'est peine perdue ! Ils existent et à ce titre revendiquent le droit à des traitements dignes. Et si l'État ne remplit pas sa mission, et bien les citoyens s'en chargeront. Un jour ou l'autre, ceux qui nous gouvernent en paieront le prix dans les urnes !
Extraits de Le Monde - 19 mars 2016De semaines en semaines, le scenario change de forme et de lieu... Mais il est toujours le même : des migrants cherchent à être compris, pris en charge, écoutés, alimentés, hébergés... " Il n'y a pas pire sourd que ceux qui ne veulent pas entendre " : un dicton illustré par l'attitude de nos dirigeants. Depuis quelques semaines, c'est à Stalingrad, à quelques encablures du lieu des premières expulsions survenues le 2 juin 2015, que se rejouent une fois de plus l'horreur... Des centaines de personnes - hommes, femmes et enfants - grelotant de froid et affamés qui ne peuvent compter que sur la mobilisation des citoyens pour ne pas mourir sur le bitume !
" Chaque soir, c'est une autre bataille de Stalingrad qui se joue. A la station de métro du même nom, dans le 19e arrondissement de Paris, près de quatre cents migrants défendent leur carré de bitume. Un espace où les plus chanceux ont posé un matelas, les autres des pièces de cartons. Là, ils luttent contre le froid, la faim et la dispersion. (...) Le campement de Stalingrad a déjà été évacué une première fois le 7 mars. 393 personnes ont été emmenées vers un hébergement, certes, mais beaucoup d'autres, qui disent avoir raté les bus, sont revenues dormir sur les lieux. En dépit des tentatives policières de ne pas les laisser se réinstaller, le camp a très vite regrossi pour atteindre à nouveau 400 personnes cette fin de semaine. Aux Afghans de la gare de l'Est, qui se sont rapatriés là, au milieu de Somaliens, d'Érythréens, de Soudanais, sont venus se joindre des expulsés du Calaisis.
(...) " Depuis le 2 juin, la préfecture d'Ile-de-France a opéré 17 mises à l'abri de différents campements de la capitale. 5 470 propositions d'hébergement ont été faites et aujourd'hui 3 260 personnes seraient toujours dans un de ces lieux de répit, selon la préfecture de région. Le revers de la médaille est politique puisque des maires qui attendaient des Syriens en provenance des " hot spots " de Grèce ou d'Italie, qui voulaient participer à la grande opération européenne de solidarité, se retrouvent à accueillir les campements parisiens. Ce qui politiquement n'a pas le même impact ; et ce qui explique que la dispersion soit désormais à l'ordre du jour, par crainte d'hypothéquer trop d'adresses qui doivent servir dans les mois à venir aux 30 000 relocalisés.
Quand la nuit tombe sur ce quartier populaire du nord de la capitale, les femmes africaines sont les premières à se chercher le sommeil. Jeudi 17 mars, un groupe d'Érythréennes se glisse sous leurs couvertures calant entre plusieurs d'entre elles, un petit enfant. Chaudement emmitouflé, le bébé ferme déjà les yeux, bercé par le roulis du métro. " Le plus difficile, ici pour moi, c'est de dormir " soupire Arrap, en jetant un œil vers le petit dormeur. Cet Afghan qui dit avoir 19 ans -mais en semble beaucoup moins-, affiche des cernes qui rappellent que le trafic du métro n'est suspendu que quelques heures dans la nuit parisienne. A côté de lui, quelques-unes des femmes ont été hébergées, mais n'ont plus envie d'être ballottées de foyer en hôtel, une nuit par-ci, trois nuits par là. Elles attendent un hébergement qui ne serait plus d'" urgence ", mais leur permettrait de se réinscrire sur le long terme. A côté d'elles, un groupe d'une dizaine de Somaliens, fraîchement débarqués en France, après avoir remonté toute l'Italie sans prise d'empreintes, cherchent des informations sur la procédure d'asile. Avant de se diriger vers la cocotte-minute pleine de soupe aux légumes qu'un riverain vient de déposer là, à même le sol, à côté d'une pile de gobelets en carton. "
A l'instant où s'écrit cet article, des bénévoles d'entraides-citoyennes et d'autres associations ou collectifs sont en cuisine afin de satisfaire l'un des besoins élémentaires des migrants : manger ! Ils reviendront, inlassablement, livrer des couvertures, des duvets, des vêtements chauds... D'autres les aideront dans leur parcours d'accès au droit... S'ils ne sont pas dégoutés par la piètre réalité de la devise nationale " Liberté, Égalité, Fraternité " de notre... S'ils ne sont pas écœurés par le mirage de la Terre d'asile qui se résume pour l'heure à une bataille... à Stalingrad !