Le refus de la vie en miettes

Publié le 19 mars 2016 par Particommuniste34200

La colère gronde et s’amplifie…

Photo Dominique Faget / AFP

Lire l’éditorial de l’Humanité Dimanche par Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité. La mobilisation populaire a obligé le pouvoir à renoncer à faire accepter automatiquement sa loi dite « travail ». Il a dû revoir une partie de sa copie, sans en changer pour l’instant la philosophie générale. Dès lors, s’ouvre une situation inédite.

Jamais, en effet, dans l’histoire, un gouvernement, issu du vote d’une majorité d’électeurs de gauche, n’avait perdu à ce point le soutien de la gauche « réelle » et n’avait plus que pour seul soutien les représentants du capital, c’est-à-dire le MEDEF, les partis de droite et « le Figaro », qui l’exhorte chaque jour à « avoir du courage ». Ce texte n’a même pas le soutien de syndicats dits « modérés », ni même du Parti socialiste. C’est dire la profondeur du divorce. C’est dire aussi les dangers. L’exécutif, qui pousse les feux de cette contre-réforme issue du pacte européen « euro plus » (1), initié en mars 2011 par Mme Merkel et M. Sarkozy, croit qu’il sera toujours là dans un peu plus d’un an pour la mettre en oeuvre à la faveur d’un duel au second tour de la présidentielle avec le parti d’extrême droite. Mais, même en cas d’échec ­ ce que confirme la série d’élections partielles de dimanche dernier ­, et avec le retour de la droite aux affaires, le patronat fait le calcul qu’il en sera de toute façon le bénéficiaire. C’est la raison de cette forte pression à un moment où les forces de l’argent peuvent faire indistinctement de MM. Hollande, Valls, Macron, Sarkozy, Juppé ou Fillon leur candidat à la présidentielle. Raison de plus pour que les progressistes, dans leur diversité, s’unissent jusqu’à choisir ensemble un(e) candidat(e) à l’élection présidentielle et travaillent indissociablement à une majorité nouvelle d’alternative à l’Assemblée nationale. Leur objectif devrait être de gagner afin que la France renoue avec le chemin du progressisme à la française. Tel est l’intérêt des travailleurs d’aujourd’hui et celui des générations « Kleenex », cachées derrière ce mot de « flexibilité », qui ne signifie rien d’autre que la possibilité pour les propriétaires d’entreprises d’embaucher et de débaucher en toute liberté, selon les critères de rentabilité financière. Comment croire qu’avec la libre rupture du contrat de travail on crée de l’emploi durable ? Neuf recrutements sur dix se font déjà par contrats temporaires ou en intérim. Ce qui est proposé est pire ! Pour un jeune confronté à l’incertitude de trouver un travail, s’ajoutera demain moins de chance de le garder, donc plus de difficultés pour se projeter dans l’avenir. On est ici à mille lieues d’un projet moderne et progressiste visant à créer un nouveau mécanisme de sécurité du travail et de la formation, tout au long de la vie, incluant des réductions du temps de travail, l’orientation des crédits publics prétendument destinés à l’emploi vers des investissements du futur, particulièrement ceux liés au numérique et à la transition environnementale de l’économie. On nous bassine régulièrement avec la « compétitivité ». Mais à quoi servent en ce moment les gains de « compétitivité », générés par la baisse des prix du pétrole, par la modification de la parité euro-dollar, les baisses du « coût du travail » ­ comme ils disent ­ induits par les faramineux cadeaux aux grandes entreprises ? Pas à l’emploi ! Cela se verrait. Et qu’on en finisse avec ces comparaisons avec les pays voisins qui « réduisent » leur chômage en décuplant le nombre de travailleurs pauvres ! Renoncer à l’objectif du plein-emploi stable et correctement rémunéré n’est pas un projet de société. La France résiste à se voir imposer ce modèle régressif qui ne correspond ni à ses traditions ni à ses aspirations les plus modernes. RENONCER À L’OBJECTIF DU PLEIN-EMPLOI STABLE ET CORRECTEMENT RÉMUNÉRÉ N’EST PAS UN PROJET DE SOCIÉTÉ. De même, la Banque centrale donne désormais de l’argent gratuitement aux banques. À quoi cela sert-il ? Pas à l’investissement créateur d’emplois. Cela se verrait aussi. Autrement dit, nous sommes face à des choix qui continuent de détruire les droits sociaux pour servir les puissances industrielles et financières à l’opposé de l’intérêt général. C’est un bond vers le XIXe siècle qu’on nous propose ici, avec une loi différente dans chaque entreprise, l’allongement de la durée journalière et hebdomadaire du travail, la pression continue sur les salaires et une moindre rémunération des heures supplémentaires. Et derrière les écrans de fumée des discours destinés aux femmes, le 8 mars dernier, il y a la réalité de propositions qui feront encore reculer l’égalité homme-femme au travail comme vient de le montrer le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle. On ne parle plus dans ce projet de « l’égalité » de rémunération entre les hommes et les femmes. On sait que les emplois précaires sont très souvent occupés par des femmes, qu’elles exercent dans les entreprises où les syndicats sont les moins présents, que la loi les visera d’abord au nom de la flexibilité et de la modulation des horaires. Ce projet porte en lui des vies en miettes, dans l’insécurité généralisée. Pas de travail stable signifie l’impossibilité d’accéder à des emprunts ou à des logements. Et les projets de guerre économique que contient le traité transatlantique ne feraient que grossir encore les rangs du chômage. Inventer un Code du travail adapté aux évolutions du travail, des technologies et des besoins d’une société du mieux-vivre est urgent. Y travailler est partie intégrante de la lutte pour mettre en échec ce nuisible projet gouvernemental qui n’a strictement rien à voir avec les idéaux de la gauche et du progrès et tout à voir avec l’orthodoxie bruxelloise au service des puissances industrielles et financières. De l’amplification des actions unitaires et intergénérationnelles engagées peut sortir le meilleur pour l’immense majorité. C’est le refus de la société « Kleenex », le refus de la vie en miettes !