Denise Desjardins (1923-17 mars 2016).
Une grande dame s'en est allée.
"Je respire profondément jusqu’au bout de mon souffle. Mon diaphragme s’ouvre, se dilate de plus en plus. Aum en expirant, tat en inspirant complètement, un temps d’arrêt ensuite. En respirant ainsi, il me semble avec le aum créer la manifestation, qui avec le tat, revient à moi, et redevient le non-manifesté, le vide. Puis c’est un passage d’un vide à un autre vide, et je plonge à l’intérieur de ce centre, un peu à droite de la poitrine. C’est un gouffre non délimité, la tranquillité du fond des mers, une nuit que rien ne vient interrompre, sans commencement et sans fin.
Il n’y a pas de mot pour décrire cette grandeur sans mesure, où n’existe plus ni toi ni moi, mais une ample plénitude, en moi qui n’est plus moi, qui n’est ni à l’extérieur ni à l’intérieur.
Cette respiration continue. Je me sens avec le aum renvoyer toute peine, toute pensée, comme la marée en se retirant balaye tout ce qui est sur la plage, l’emmenant très au loin. Ainsi me laissant mon désespoir, Iryamani, mon fils, ma mère et mon père.
Tout s’estompe et s’efface comme des fantômes irréels, inutiles et encombrants, ombres sans consistance emportées par le aum de ma respiration.
Seul demeure ce merveilleux vide tissé de plénitude. Mon corps aussi fluide, léger, aérien ; seulement fumée sans densité, une ombre qui se déplace comme un nuage dans l’air. Il peut se mouvoir sans mouvement, en tous sens, s’élever sans effort, sans contrainte. Je le perçois hors de moi, dans cette perspective informelle. Il est inconsistant, désincarné. En quoi suis-je concernée par lui ? Il n’y a pas de Moi, de Je. S’est abolie la distinction entre ce qui est en moi et en dehors.
Seule une large vacuité où se déplace un fantôme de corps évanescent, irréel, qui s’efface et disparaît.
Le Rien qui contient toute chose.
Le Vide qui est plénitude.
Seulement Est."
Denise Desjardins, De naissance en naissance, 1977
« Chaque être humain porte, enfoui en lui, un germe d’éveil, dans un état latent. Pour parvenir à la symbiose avec tous les êtres, tout l’espace, et finalement ne faire qu’un avec l’infiniment vaste, ce potentiel d’éveil doit être développé. Mais la plupart des personnes l’ignorent ou ne s’en préoccupent guère. Swâmi Prajnânpad disait d’ailleurs : “L’homme a des possibilités infinies, mais des probabilités limitées” ! Nourrir le germe d’éveil est le but de la vie humaine. C’est à cela que sert la méditation : calmer son individualité, apprendre le détachement, donner de l’attention et de l’énergie pour nourrir cette possibilité d’éveil. Ne pas le faire, c’est passer à côté du vrai sens de la vie. »
Denise Desjardins, Contre vents et années
- De naissance en naissance, La Table Ronde, 1977.
- La mémoire des vies antérieures, La Table Ronde, 1980.
- Mère sainte et courtisane, La Table Ronde, 1983.
- Le jeu de l'amour et de la sagesse - Analyse d'une passion, Albin Michel, 1989.
- Le défi d’être – Entretiens avec Gilles Farcet, Dervy-Livres, 1990.
- La stratégie du oui, La Table Ronde, 1993.
- La route et le chemin - Carnet de voyage et d'ascèse, La Table Ronde, 1995.
- Petit traité de l'émotion, La Table Ronde, 1996.
- Conteurs, Saints et Sages - Des Pères du désert à Swâmi Prajnânpad, La Table Ronde, 1998.
- Petit traité de l'action, La Table Ronde, 1999.
- Le lying - Passerelle au cœur de soi, La Table Ronde, 2001.
- Le réel et nous, La Table Ronde, 2002.
- Le bonheur d'être soi-même, La Table Ronde, 2003.
- Les nœuds du cœur, La Table Ronde, 2005.
- La rage de l'absolu, La Table Ronde, 2008.
- Contre vents et années, 201