Ah, mais c’est qu’on a failli attendre !
Tout à nos préoccupations quotidiennes, nous contemplions l’action gouvernementale avec espoir et, aussi, une petite pointe d’appréhension : se pouvait-il que le pouvoir, et son chef au premier rang, avait réellement changé, comme nous le bombardait régulièrement les relais médiatiques du Château ? Ou ne s’agissait-il que d’une brève respiration, une pause avant le retour des gags en cascade ? Car, exception faite des habituelles boulettes du ministre de la Défense, visiblement empêtré dans ce damné Livre Blanc, maladresses largement reprises sur le blog de Jean-Dominique Merchet et sur lesquelles je ne m’étendrai donc pas, le temps semblait plutôt à l’éclaircie…
La France s’apprêtait-elle donc à prendre dignement, sans casseroles supplémentaires, la présidence de l’Union ? Hum, il allait falloir s’habituer à cette nouvelle donne et rengainer notre mauvais esprit.
Et puis, patatras ! Une bonne grosse bourde sur l’Irlande suivie d’une magistrale dégringolade dans l’escalier diplomatique à propos du Liban nous replonge soudain dans ce qui semble faire l’essence et la substance de ce gouvernement : l’approximation, les gaffes, le ridicule, les maladresses avec, au bout du chemin, l’échec probable.
Commençons par l’Eire. Vous le savez tous, un « Non » au referendum en cours aurait pour conséquence de fiche en l’air le minitraité de Lisbonne ou, à tout le moins, de flanquer de sérieuses migraines aux diplomates européens, obligés de concocter une énième astuce pour remettre l’Union sur les rails. Les opinions publiques nationales sont susceptibles sur le sujet, il convient donc de les traiter avec une prudence de bon aloi. Notre ministre des Affaires Étrangères, tout à ses certitudes, n’a pas ces pudeurs : sur de son bon droit, il assène abruptement, à quelques jours d’un scrutin serré, quelques remontrances à ces coquins d’Irlandais qui seraient tentés de voter non. Sur l’île, les partisans du Traité s’arrachent les cheveux et enragent, à juste titre. On se souvient que la même méthode, à savoir manifester un mépris d’airain assorti de menaces à l’endroit des crétins arriérés qui ne comprennent rien aux exigences de la politique communautaire, avait été essayé en France, à la veille du référendum de 2005, avec le résultat flamboyant qu’on connait. Tout le monde apprend de ses erreurs, nous dit le bon sens populaire. Il faut croire que M. Kouchner n’est pas tout le monde.
Alors, il ne faut non plus exagérer : si l’Irlande vote non, ce ne sera pas la faute exclusive de notre flamboyant ministre. Mais enfin, une telle maladresse laisse pantois lorsqu’on sait les conséquences d’un rejet, en particulier alors que la France s’apprête à prendre la Présidence de l’Union.
Mais ceci est de la petite bière (brune) comparée au périple libanais et à ses répercussions. Déjà, la France avait été méchamment zappée du processus qui avait vu la fin de la vacance du pouvoir présidentiel, à Doha, et abouti à la nomination laborieuse du général Sleimane. Il fallait redorer le blason tricolore, organiser une visite triomphale au nouveau chef de l’État et relancer les négociations avec la Syrie, tuteur moyennement bienveillant, mais très influent de son voisin.
Nicolas Sarkozy, désireux de changer la donne dans la région, s’entoura donc pour son voyage de personnalités considérables, des femmes et des hommes sans qui rien ne se fait dans le monde. Les libanais, extatiques, eurent l’honneur insigne de voir débouler sur leur sol des êtres aussi imposants sur la scène internationale que Marie-George Buffet, Jean-Michel Baylet, président du très influent Parti des Radicaux de Gauche, ou encore Cécile Duflot, Secrétaire nationale des Verts, un mouvement dont on devine qu’il a l’oreille du président Syrien et que le Hezbollah ne peut que considérer comme un interlocuteur d’importance, à même de le faire revenir sur ses positions.
Las, il semblerait que le déplacement de cet aréopage d’élite n’ait pas eu le retentissement escompté au Pays du Cédre. Mais ne soyons pas mauvaises langues : il faut du temps pour faire bouger les choses dans ce Moyen-Orient compliqué.
Comme de juste, il s’est trouvé quelques esprits chagrins pour manifester une pointe de mécontentement au terme de l’escapade présidentielle : certains militaires français auraient pris ombrage de l’annulation, à la dernière minute, de l’auguste visite qui devait leur être faite dans leurs paisibles casernements du sud du pays, d’où ils coulent des jours heureux aux frais de la République.
Il est temps de rétablir la vérité et de remettre ces râleurs patentés à leur juste place : si le chef des Armées n’a pu les honorer de sa présence, c’est tout d’abord parce que ce séjour devait garder « un caractère exclusivement politique » (??!!) ; mais aussi, autre raison d’importance que nous apprend « Le Canard Enchaîné », car cette « tournée des popotes » aurait empêché le Président d’assister à une petite fête que donnait son épouse dans son hôtel particulier le soir même. Alors, soyons clairs : il faut que les miloufs cessent de se regarder le nombril, grandissent un peu et comprennent qu’il y a certaines priorités dans la vie, quand même ! Pénibles, ceux-là…
Déjà, avec les événements relatés plus haut, nous étions plus dans le registre « Benny Hill » que Kissinger. Mais, quand on a la main, on ne s’arrête pas en route, voilà qu’arrive la cerise sur le gâteau : Bachar El-Assad, le débonnaire président syrien, est convié à assister, dans la tribune présidentielle, au défilé du 14 juillet !
Le fils de celui qui a orchestré en sous-main l’attentat contre le Drakkar viendra donc voir défiler à ses pieds les descendants, au moins spirituels, de ceux qui perdirent alors la vie du fait du régime qu’il incarne… Ça, c’est de la « geste » politique ou on ne s’y connait pas ! Je n’épiloguerai pas plus sur l’épisode, Jean-Michel Apathie a parfaitement résumé la situation sur son blog.
Mais restons-en là pour l’instant, à l’affut des prochains exploits de nos gouvernants.
Allez zou, un anxiolytique et en route vers la présidence de l’Union Européenne !