Réalisé dans le plus grand secret, 10 Cloverfield Lane (dont le nom a changé plusieurs fois durant le tournage) s’est permis le luxe de débuter sa campagne promotionnelle il y a quelques semaines à peine. Un choix audacieux à l’heure où les sorties ciné sont toujours plus nombreuses, et s’enchaînent toujours plus rapidement, mais pas si étonnant que cela lorsque l’on sait que l’homme derrière ce projet énigmatique n’est autre que J.J. Abrams, un producteur connu, notamment, pour son goût du mystère et de la surprise.
Sans être une suite ou un spin-off de Cloverfield, sorti en 2008, 10 Cloverfield Lane dispose tout de même d’une connexion indéniable avec son prédécesseur, ne fût-ce que par le nom. Pour autant, inutile d’avoir vu le film de Matt Reeves pour apprécier cette nouvelle réalisation puisque celle-ci ne lui emprunte finalement pas grand-chose et se suffit, en fin de compte, totalement à elle-même. Finement écrit par Josh Campbell, Matthew Stuecken et Damien Chazelle (Whiplash), le scénario offre un récit d’une efficacité redoutable et d’une intelligence rare. Non seulement la tension est constamment renouvelée grâce à une succession de révélations habilement amenées, mais les personnages se révèlent aussi incroyablement crédibles. Une fois n’est pas coutume, ceux-ci se montrent effectivement réfléchis et naturels. Et si les ressorts dramatiques de ce genre de production apparaissent habituellement comme de véritables ficelles, les décisions des différents protagonistes s’avèrent ici extrêmement cohérentes tout du long. Ce qui renforce considérablement l’impact de l’histoire, ainsi que l’atmosphère infiniment oppressante qui s’en dégage.
Une atmosphère anxiogène qui transparaît autant sur le fond, à travers les dialogues ambigus des personnages par exemple, que sur la forme, via l’utilisation de cadres serrés ou le jeu nuancé des acteurs. En parlant des acteurs, le trio livre d’ailleurs une partition sans la moindre fausse note. Si John Gallagher Jr., révélé dans la série The Newsroom, est certainement plus en retrait (tout en étant néanmoins très convaincant), Mary Elizabeth Winstead et John Goodman crèvent, quant à eux, littéralement l’écran. Dans ce qui est probablement son meilleur rôle, avec Smashed, la jeune actrice délivre en effet une interprétation puissante. Au regard de la multitude d’émotions qui assaillent son personnage durant son douloureux parcours, elle fait montre d’une incroyable amplitude de jeu. Tandis que son partenaire impressionne dans la peau d’un sauveur aux motivations douteuses et à l’ambiguïté palpable. Tantôt attachant, tantôt terrifiant, il procure un sentiment de malaise presque permanent. Enfin, si la réalisation est plutôt sobre et ne révolutionne jamais le genre, elle se révèle cependant soignée et maîtrisée. En définitive, on regretta peut-être simplement la nature un peu expéditive et déroutante du dénouement final.Avec 10 Cloverfield Lane, Dan Trachtenberg signe donc un thriller d’une redoutable efficacité. A mi-chemin entre le huis clos paranoïaque et le survival SF, le film entretient magnifiquement son suspense durant plus de 90 minutes. Mention spéciale au travail sonore, remarquable, et au trio d’acteur, impressionnant.