Copyright Margo Films
Synopsis:Un documentaire qui nous plonge au coeur du djihadisme au Mali.
Il a été qualifié d'éclairant et essentiel mais également accusé d'être une propagande terroriste. On en a tellement entendu parler à sa sortie que le film Salafistes s'est retrouvé noyé dans tout ce qu'il y avait autour : la question de la violence au cinéma, de son aspect propagande ou non, de son interdiction aux mineurs ... Projeté au Festival International des Programmes Audiovisuels (FIPA) le documentaire de Lemine Ould Mohamed Salem et François Margolin a été l'objet d'une censure dès sa première diffusion puisque la projection a été réservée au public accrédité. À la suite d'une tumultueuse polémique, l’œuvre a finalement était interdite au moins de 18 ans (autorisée aujourd'hui à partir de 16 ans) et a vu les portes des chaînes T.V et des cinémas se fermer une à une. Seules cinq salles en France - dont trois en région parisienne – se sont résolues à le projeter. Salafistes, en choisissant de parler d'une branche radicale de l'Islam sans filtre ni commentaire, nous a brutalement ramenés à la question de la liberté d'expression, ses limites, alors même que les stigmates du 13 novembre sont encore à vif. Des images de vie quotidienne dans un Tombouctou régi par les extrémistes se mêlent à des interviews d'Imams, de citoyens, de l'ancien leader d'Ansar al-Charia et à des vidéos de propagande djihadiste. Les réalisateurs sont partis filmer pendant plusieurs années les groupes salafistes du Mali à la Tunisie, s’immisçant parmi eux pour interroger leur idéologie et leurs pratiques. Pour cela, ils ont dû tisser habilement leurs interviews de sorte que leurs questions ne se transforment pas en accusations. Ils ont également fait le choix de ne mettre aucune voix off explicative ou dénonciatrice, même lorsque les images deviennent d'une violence insoutenable. Aussi – et il est important de le rappeler – Lemine Ould Salem et François Margolin ont risqué leur vie afin de nous ramener la parole de « l'autre côté ». Pourtant, le film a été abusivement accusé d'être une « apologie du meurtre sous toutes ses formes » (Le Figaro) ou encore du djihadisme – à croire que ces critiques ont fermé les yeux sur les cartons d'ouverture et de fermeture dédiés aux victimes des attentats terroristes.
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Mais Salafistes a également choqué – et plus justement cette fois– pour son manque d'explications et notamment de voix off. Si un film documentaire est bien toujours l'objet d'une mise en scène, elle est ici particulièrement effacée. L’œuvre apparaît plus comme un état des lieux du salafisme et du djihadisme. À l'inverse de ce que nous sommes habitués à voir, la violence n'est pas chorégraphiée et organisée, elle nous est livrée à brut et en masse. Elle nous plonge directement dans l'insoutenable, parfois sans nous indiquer le contexte dans lequel il a été produit. Cela manque par moments. Cependant, si Lemine Ould Salem et François Margolin ne nous expliquent pas les différences entre les mouvements salafistes, ni nuancent leur menace ce n'est certainement pas par faiblesse mais parce qu'ils ont fait le choix inédit et courageux de donner la parole à cet autre, à cet « ennemi ». Un ennemi dont la haine enfantée par la domination occidentale a pris une ampleur incontrôlable. La demande d'un point de vue clair sur des actes et des paroles radicales qui n'appellent aucun doute serait même absurde. Dénoncer la barbarie des exécutions publiques ? Contester un salafiste qui affirme que les terroristes de Charlie Hebdo n'ont fait que s'exprimer selon le principe de la liberté d'expression ? Les images parlent d'elles-mêmes et les contradictions sont inhérentes à leurs discours. Au fur à mesure que le documentaire se déroule, l'idéologie froide, rationnelle vient se déconstruire d'elle-même à travers ses conséquences irraisonnées : un homme qui refuse de croire que Mohamed Merah a tué des enfants car ça ne lui été pas « utile », le créateur d'un blog salafiste qui conseille les chaussures Nike les mieux adaptées pour partir faire le djihad, des jeunes hystériques qui tirent au hasard sur des musulmans… Salafistes est aussi le fruit d'un monde dépassé par des mouvements d'une fureur qu'il ne comprend plus très bien. Le film aurait pu apporter – si projeté dans un cadre de discussion pour les plus jeunes – des informations précieuses. Ce qu'il montre bouillonne certainement trop d'actualités pour pouvoir prendre le recul nécessaire mais il est dommage de penser que la polémique qui a entouré le film l'a presque entièrement étouffé.
LAETITIA G.
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