Après avoir largement satisfait les besoins du marché local, la filière de la pomme de terre offre, désormais, des opportunités aux opérateurs pour se lancer dans l'industrie de transformation et gagner des marchés à l'exportation. Avec une production moyenne annuelle de 4,5 millions de tonnes (mt), l'Algérie commence à devenir un véritable gros producteur de pommes de terre, indique, à l'APS, un conseiller au ministère de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Chérif Omari. C'est pourquoi les pouvoirs publics incitent les opérateurs à investir dans la valorisation des excédents de pomme de terre, sachant que la récolte est appelée à augmenter davantage, vu les potentialités en termes de superficie et de rendement par hectare. Les prévisions du secteur tablent sur une augmentation de la production de cette tubercule de 2 mt d'ici à 2019. Selon M. Omari, plusieurs opérateurs commencent à se lancer aussi bien dans l'exportation de la pomme de terre que dans la transformation et le conditionnement qui sont des activités quasi inexistantes en Algérie. C'est le cas de Samir Aït Aoudia, un transformateur de la région d'Alger depuis une quinzaine d'années, qui compte investir davantage pour porter ses capacités de transformation à 20.000 t de pomme de terre/an dans les deux prochaines années, contre 6.000 t actuellement. "L'industrie de transformation de la pomme de terre est à un niveau embryonnaire. Mais les perspectives sont importantes du fait de l'augmentation de la production, de l'importance du marché et des nouvelles orientations pour la diversification de l'économie nationale ", explique cet industriel à l'APS. Avoir trois récoltes de pomme de terre dans l'année "est un avantage important pour l'Algérie " et les industriels "doivent en profiter", relève-t-il. L'autre avantage de la transformation est qu'elle est susceptible de réguler une partie du marché pour éviter les fluctuations des prix et les pertes de rendement. Cet industriel importe de la semence spécifique à la transformation industrielle pour la distribuer aux agriculteurs afin de la produire localement à travers des contrats à long terme, ce qui lui permet de garantir sa matière première et un prix fixe à l'agriculteur.
Les exportations ciblent les pays du Golfe, la Russie et le Sud européenOutre la transformation, d'autres opérateurs tentent de s'imposer à l'export en ciblant des marchés accessibles comme la Russie, les pays du Golfe et les pays du sud de l'Europe. C'est ce que fait Farouk Slimani, professionnel de la filière pomme de terre depuis 30 ans. Après avoir expédié un échantillon de pomme de terre vers un pays du Golfe, cet opérateur a réussi à y décrocher un marché, déjà dominé par d'autres pays comme l'Égypte, et a également obtenu un autre contrat avec l'Espagne. "Je suis en train de mettre en place toute une stratégie pour exporter : je transforme le gros calibre en frites fraîches sous-vide destinées au marché local. Je conditionne le calibre moyen dans des sacs de 4 kg pour la grande distribution et je réserve un autre calibre pour l'exportation ", avance-t-il. Il déplore toutefois le manque de mécanismes de soutien à l'exportation des produits maraîchers et souhaite, notamment, une augmentation du niveau de soutien financier au transport de ces produits à 80%, au lieu des 50% actuellement, et un allègement des procédures administratives relatives au paiement de cette prime. "Nous avons d'énormes potentialités d'exportation, et la pomme de terre pourrait être une des sources de devises pour le pays étant donné que le produit est très demandé. Mais c'est inadmissible d'attendre plus d'une année pour percevoir une prime à l'export", déplore cet opérateur activant à Boumerdès. Pour booster les exportations, il propose aussi d'accorder un soutien spécifique aux agriculteurs adhérant aux programmes d'exportation afin que ces expéditions vers les marchés étrangers durent dans le temps et que le prix du produit soit compétitif. Le conditionnement un créneau vierge La hausse de la production de pomme de terre a dévoilé un grand déficit en chaîne logistique, notamment pour le stockage et le conditionnement, des activités incontournables pour structurer l'offre et s'inscrire dans l'exportation. La région de Oued Souf, qui assure pourtant 40% de la production de la pomme de terre, ne dispose d'aucune centrale de conditionnement ni de stockage, obligeant les producteurs de stocker leurs récoltes dans le nord du pays, générant des surcoûts considérables. "Nous sommes en train de sensibiliser les opérateurs privés pour qu'ils s'accaparent de cette dynamique et investissent dans les plateformes logistiques, de conditionnement et les capacités de stockage en froid", fait savoir M. Omari. C'est le cas de Djilali Klouaz, producteur de pomme de terre à Aïn Defla, qui, par le biais de son projet de mise en place d'une plateforme de conditionnement et de transformation de pomme de terre, va relier tout un réseau d'agriculteurs et d'exportateurs à cette structure dont la capacité de conditionnement varie entre 100 t et 200 t/jour. M. Klouaz estime que son projet, le premier en Algérie, va créer un effet "boule de neige" du fait des perspectives de production et l'émergence de nouveaux bassins de production. Mais il recommande de réorienter la production de la semence vers des variétés industrielles et celles adaptées à la transformation. "Lorsque nous disposons de ce genre d'infrastructures, nous sommes sûrs de pouvoir exporter de grandes quantités de pomme de terre ou d'autres produits agricoles ", augure-t-il.
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