Depuis plus d'une décennie maintenant, les apiculteurs tirent la sonnette d'alarme : les abeilles domestiques se portent de moins en moins bien. Elles disparaissent en nombre important, il faut désormais remplacer un tiers des colonies environ chaque année en France. Elles sont moins résistantes, moins fertiles, moins productives.
Les entomologistes qui surveillent les insectes sauvages sont tout aussi alarmistes : les abeilles sauvages, les papillons, les bourdons... sont de moins en moins nombreux. Les populations de pollinisateurs sauvages s'effondrent.
L'an dernier, la revue scientifique The Lancet a publié une étude alertant sur les conséquences de ces disparitions. Ses conclusions : bon nombre de végétaux qui ont besoin de ces insectes pour se reproduire pourraient disparaître. Y compris certains que nous mangeons. Cela entraînerait des carences en vitamines et micronutriments. Une disparition totale des pollinisateurs pourrait réduire de plus de 20% notre approvisionnement en fruits, en noix et en graines et de plus de 16 % en légumes. Conséquences : plus de maladies dues à la malnutrition et plus de décès, selon l'étude.
Des rendements agricoles en baisse de 20% à 30%
Une équipe internationale de 35 chercheurs impliquant l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) vient de mesurer plus précisément quelles sont les conséquences d'une moins grande quantité et diversité d'insectes pollinisateurs dans les champs. Cette fois, il ne s'agit plus de prévisions mais de réalité.
Leur étude, publiée dans la revue Science du 22 janvier, a porté sur 344 champs et 33 systèmes de culture dans douze pays à travers le monde en Afrique, en Asie, et en Amérique Latine, pendant une période de cinq ans (2010-2014). Elle a retenue plusieurs paramètres en lien avec les rendements : la quantité et la diversité des pollinisateurs pendant la floraison ainsi que la taille du champ. Sa conclusion : le déficit d'insectes pollinisateurs est déjà responsable aujourd'hui de moins bons rendements agricoles.
Un seul paramètre, une moins grande abondance de pollinisateurs, suffit à expliquer une baisse de rendements de 31% en moyenne dans les petites parcelles de moins de deux hectares. Un autre critère joue dans les parcelles de plus de deux hectares : la diversité des pollinisateurs. Si la faune est diversifiée, le gain peut atteindre 30%. Et inversement.
" Globalement, lorsque l'on augmente le nombre mais également la diversité des insectes pollinisateurs, on accroit le rendement des cultures de plus de 20% en moyenne à l'échelle mondiale ", concluent les chercheurs.
Et ils ajoutent : " Ces résultats mettent en évidence l'impact du déficit des insectes pollinisateurs à une échelle mondiale ". Et donc, l'impact des insecticides, de plus en plus souvent utilisés de manière systématique même en l'absence d'insectes ravageurs. Au premier rang desquels figurent les néonicotinoïdes, accusés de décimer les abeilles. En tuant les insectes utiles, ces pesticides contribuent à aggraver la faim dans le monde.
Anne-Françoise Roger