« Saint Amour » ou le road-movie à treize degrés (chez tous les bons cavistes)
Les films, c’est comme les grands crus : il faut les laisser s’aérer quelque temps en carafe avant de les déguster, c’est pourquoi vous n’avez de critique de « Saint Amour » (le meilleur cru du Beaujolais) que deux semaines après sa sortie... Alors, justement, ce film, où il est beaucoup question de vin, est-il un grand cru ? Eh bien, disons-le tout net, on n’y retrouve pas tout à fait cette foldinguerie qui irradiait « Mammuth », sorti en 2010, dans lequel le duo Délépine-Kervern faisait déjà tourner notre gros Gérard national avec Benoît Poelvoorde.
Pourtant, le pitch du film s’y prêtait bien : prendre deux acteurs aussi allumés que Depardieu et Poelvoorde ne peut, à priori, que provoquer des étincelles... Il ne manquerait plus, dans cette catégorie, que Bohringer et Dupontel, par exemple, pour créer un duo détonnant... et détonant !
Une virée à travers la France des grands vignobles, virée parsemée de rencontres avec des personnages féminins complètement improbables, cela donne l’eau à la bouche.... Et, en effet, il y a, dans « Saint Amour », des séquences assez incroyables, par exemple la rencontre avec une agente immobilière (avec la nouvelle orthographe, j’ose tout !) complètement nympho, et au demeurant lesbienne des moments comme ceux-là, peu de réalisatrices ou de réalisateurs l’imagineraient... Quant à la scène où le troisième personnage masculin du film (car il n’y a pas qu’un duo de stars, dans ce film...) se fait jeter avec pertes et fracas de chez une ex-petite amie, elle nous permet de constater que Vincent Lacoste commence à prendre une place importance dans le cinéma français l’époque des « beaux gosses » est déjà loin!
Mais voilà... des acteurs, il faut les diriger, même dans un film qui se veut déjanté, et il y a des moments où Délépine et Kervern laissent un peu trop la bride sur le cou à Poelvoorde, qui, dans son personnage de quarantenaire dépressif, en fait vraiment beaucoup trop... et tourne d’ailleurs beaucoup trop, nous en avons déjà parlé ici. Et Depardieu, me demanderez-vous ? Oh, cela fait longtemps que Gérard Depardieu ne joue pas des rôles au cinéma... il se contente d’exister, d’apparaître, comme une sorte de statue granitique qui pourrait se déplacer, et, en définitive, incarne ici avec beaucoup d’humanité ce patriarche qui veut maintenir, contre vents et marées, son métier d’éleveur de bovins dans une France qui ne sait plus trop ce que c’est qu’un paysan...
Un peu âpre, avec des saveurs épicées, assez rond en bouche, « Saint Amour » est un cru que vous pouvez donc quand même aller déguster... dans tous les bons cinémas !
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