Laurent Albarracin a publié une note de lecture consacrée au livre d’Antoine Raybaud sur le site de Pierre Campion et a choisi ces extraits pour Poezibao :
Rio Maggiore
Cabrée à l’aplomb du ciel face au delta de l’étendue,
la terre fauve chamarrée d’amulettes sous sa crinière de vignes.
Des hauteurs de feu jaune à fumée d’or pâle jusqu’au déboulé des rues de façades circulent des transhumances de vendanges buissonnières.
Plus bas, le gord des barques, terraqué : noire, à l’étroit dans ses roches, la mer à l’attache, insomniaque.
Le long de la falaise, le fouet du chemin douanier cingle l’espace.
*
Manarola
À contre-jour, agrippé au rocher, l’essaim chantourné des maisons, un vacillement de feux d’ombres.
En face, vigie blanche à la scission des espaces, blanc, blanc, blanc, le rucher des morts, un brisant d’écume solaire.
Loin dessous, où dégringolent les cascades de vignes, la mer démesurée, d’une aridité de basalte.
*
Corniglia
Loin, si visible,
météore de fraîcheur dans la chaleur blanche,
tactile, odorante, ombreuse
(fontaines et lauriers, figuiers, fenouils, pins, platanes sur la place, escaliers, terrasses),
au nœud d’entrecroisement des sentiers couleuvres du maquis ― l’accent unique.
*
Cinque Terre
Feu de mer, une écriture brûle son alphabet.
Succion de feu et d’air, une vague se retire et vient, tire fort sur les aussières,
le soulève en suspens sur la mince corniche à flanc de cette falaise d’incandescence qui l’adosse face à la fureur du vide.
Brûle et vibre au plus aigu de sa chanterelle de feu ce nœud de cri noirci à la combustion du souffle, les cordes éclatent aux instruments enfin embrasés.
Antoine Raybaud, Stimmen, Éditions Arfuyen, 2016, 165 p., 13 €, pages 151 à 154.
choix de Laurent Albarracin