Gaston, un ours grognon et mal léché qui travaillait dans le New York des années 20 à la construction de gratte-ciels, comme tant d’autres immigrés, se retrouve sur la route avec le petit Alvin, le fils d’une prostituée battue à mort par un client. Suite à une promesse faite à cette dernière, notre vieux célibataire désabusé doit dorénavant s’occuper de ce petit orphelin insolent et rebelle. Accompagnés de Jimmy, une créature un peu bizarre, rencontrée en chemin, ils prennent la direction de Crapeville, espérant y retrouver la famille du jeune garçon…
Après Abélard, qui invitait à suivre les aventures d’un jeune poussin bien décidé à décrocher la Lune pour séduire sa belle, Régis Hautière et Renaud Dillies proposent la conclusion de ce second diptyque, se déroulant dans le même univers. Marquée par l’absence d’Abélard, cette nouvelle aventure permet néanmoins de retrouver son compagnon de route Gaston, un gros ours solitaire et plutôt grincheux, tout en dévoilant un nouveau héros auquel le lecteur n’aura aucun mal à s’attacher : Alvin !
Avec Le bal des monstres, Régis Hautière poursuit la balade de ces deux naufragés de la vie, qui se retrouvent contraints de faire un bout de chemin ensemble. Au fil de ce road-movie profondément humain, ces deux êtres que tout oppose apprennent à se découvrir, donnant progressivement naissance à une formidable complicité. Si l’histoire en elle-même ne déborde pas forcément d’originalité, la magie de l’univers d’Abélard suffit à opérer une séduction totale. Le charme de cette ambiance particulière mêlant tendresse, mélancolie, humour et poésie fonctionne toujours à merveille. Saupoudrant son récit de dialogues savoureux, Régis Hautière parvient non seulement à donner de l’importance aux mots, mais également à chaque non-dit.
Ce road-trip à travers les États-Unis sert également de prétexte pour traiter des sujets plus graves, qui contrastent avec la légèreté ambiante. Si le premier volet abordait le sort des immigrés dans une Amérique en pleine crise, cette conclusion parle de thèmes particulièrement actuels, tels que le racisme, les préjugés, la ségrégation et le fanatisme religieux. L’auteur ne manque donc pas de confronter ses adorables personnages aux dures réalités du monde. Ceux-ci peuvent heureusement de nouveau compter sur les maximes philosophiques qui sortent du chapeau magique d’Abélard… question de pouvoir relativiser et ne pas sombrer dans la désillusion.
Si la narration de Régis Hautière tout au long de ce conte initiatique et philosophique est un modèle du genre, le dessin de Renaud Dillies renforce encore la poésie de chaque page. Privilégiant souvent l’ambiance aux mots, les auteurs installent une atmosphère envoûtante, portée par la colorisation douce et totalement adéquate de Christophe Bouchard.
Tout comme Abélard, Alvin fait partie de ces personnages que le lecteur abandonne le cœur serré…
Un bien bel album, que vous pouvez retrouver dans mon Top BD de l’année !
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