J'ai profité d'un moment de battement dans mon agenda de ministre pour répondre à l'injonction d'Inactuel et aller découvrir l'exposition Promenade, construite par Richard Serra, au Grand Palais. L'ampleur de l'évènement illustre bien l'attrait grandissant du public pour l'art monumental. Pour moi, ce fut avant tout l'occasion de découvrir Richard Serra dont il me faut avouer que j'ignorais jusqu'à l'existence! Initiative heureuse, des "médiateurs culturels", disséminés sous la verrière, permettent au visiteur surpris de retomber sur ses pattes.A vrai dire, une sensation de vide poignante en entrant dans la grande nef (peu ensoleillée en ce vendredi soir grisounet). On saisit rapidement les jeux de perspective à l'oeuvre entre les grandes plaques, et le dialogue entre l'architecture arachnéenne du Palais et la puissance tellurique des masses d'acier brutes élevées en son sein par la main de l'artiste. Mes photos sont bien pauvres et celles de D vous restitueront bien mieux les sensations du visiteur." L'expérience finalement, c'est vous, le visiteur, et pas la sculpture. L'interaction qu'elle opère avec votre perception."Au delà de l'acier la matière première de Richard Serra, c'est l'espace. L'art ne se pense plus alors comme la réécriture d'une histoire mais comme celle d'une expérience spatiale."Je n'aime pas dans la sculpture l'idée de narration. Représenter un cheval en bronze et dire que c'est la réalité n'est-ce pas absurde ? En venant ici, au Grand Palais, il n'est pas nécessaire de connaître quoi que ce soit. La pièce ne fait pas référence à quelque chose qu'on connaîtrait déjà. Il suffit de marcher. Et de faire l'expérience. Pas de signification : le sens de l'oeuvre, c'est son effet sur vous. "Curieuse expérience que celle d'une oeuvre dont il est évident d'emblée qu'elle est vide de tout sens, qu'elle appelle une expérience. Il me semble que l'art contemporain s'adresse de façon privilégiée à l'expérience, cherchant à frapper les sens et le corps du spectateur en dehors de toute démarche rationnellement conceptualisable, cherchant à susciter une sorte de vertige - peut-être métaphysique. Mais pour moi, le vertige n'était pas au rendez-vous au Grand Palais et mon intérêt curieux est resté poli sans enthousiasme.J'aurais néanmoins apprécié de découvrir physiquement certaines oeuvres que l'on m'a présentées en photos, moins verticales (dont le fameux Clara-Clara de la place de la Concorde), dont il me semble qu'elles partageaient l'espace d'une façon extrêmement inquiétante, et conduisaient le corps du spectateur en elles avec beaucoup de violence.