Aussi dramatique et paradoxal que cela puisse paraître, la stratégie de Moscou, qui vient donc d’annoncer son retrait militaire, semble ouvrir la voie à une nouvelle séquence de négociations politiques. Nous penserons ce que nous voulons de l’intervention russe en Syrie, de ses objectifs avoués et inavouables, sans parler de son soutien à peine voilé puis plus distant envers Bachar Al Assad… Un fait reste pourtant tangible: le fragile «apaisement» que nous constatons depuis la trêve scellée entre les forces du régime et celle de l’opposition non djihadiste, sous l’égide des États-Unis et de la Russie, est dû en grande partie à la démonstration de force de l’armée russe. Aussi dramatique et paradoxal que cela puisse paraître, la stratégie de Moscou, qui vient donc d’annoncer son retrait militaire, semble ouvrir la voie à une nouvelle séquence de négociations politiques. Cette fois, ce ne sont plus seulement Vladimir Poutine ou Barack Obama qui le (ré)clament, mais bien certains protagonistes clés. Hier, par exemple, le Haut Comité des négociations (HCN) de l’opposition syrienne a officiellement déclaré qu’il n’était «pas contre» des discussions directes avec le gouvernement syrien, estimant que la décision de Poutine de réduire la présence militaire russe était «de nature à ouvrir à la voie à un règlement du conflit». Après cinq ans et près de 280.000 morts, ce genre de propos paraît inespéré. Prenons-le comme tel. D’autant que les enquêteurs de l’ONU ont salué, toujours hier, ce qu’ils appellent une «baisse significative» de la violence et l’espoir «d’une fin en vue». Comment ne pas s’en réjouir, avec la prudence requise?
Après l’engrenage infernal des dernières années, en partie inextricable du fait des diplomaties occidentales et de l’Otan, qui ont mis en jeu de grandes puissances militaires au risque d’un embrasement mondial et au prix de la crise humanitaire la plus terrible depuis la Seconde Guerre mondiale, en nombre de personnes déplacées ou exilées, donner une chance à la paix et à une résolution politique doit être la seule boussole. La diplomatie française a d’ailleurs un rôle à jouer. À condition qu’elle ne soit plus guidée par la fidélité aveugle à ses alliés régionaux, mais bien par les intérêts du peuple syrien, qui ne réclament rien d’autre que de construire souverainement une société démocratique, hors de toute intervention étrangère, sous l’égide de l’ONU. [EDITORIAL publié dans l’Humanité du 16 mars 2016.]