The World of Fine Wine n° 51 et le projet de B+D avec Dame Ella Lister

Par Mauss

C'était un peu un secret de polichinelle, mais voilà : après 4 années de dur labeur, un projet commun franco-anglais entre B+D (Bettane - Desseauve) et une ancienne banquière, Dame Ella Lister, ce projet sort de l'ombre.

De quoi s'agit-il ? Tout simplement de créer un "Standard & Poor's" ™ du vin.

Offrir aux spéculateurs - qui seront, on n'en doute pas, les premiers clients de cette nouvelle organisation - , un réel outil à jour établissant la valeur de leurs crus.

Rien de neuf sous le soleil ? Oui et non. Il existe déjà pour les cognoscenti un outil informatique particulièrement pointu, basé sur des algorithmes complexes, qui est proposé par ses concepteurs à ce qu'on appelle en anglais les FAMILY OFFICE et en français les CONCIERGERIES (ICI) sans oublier les banques privées, toujours à la recherche de nouvelles propositions d'investissements pour leur clientèle haut de gamme. Cet outil négocié ici et là en grande discrétion (nous l'avons vu à l'oeuvre) vous liste les vins qui vont connaître une plus-value. On s'en doute : on parle là surtout des classés bordelais et équivalents.

Et, naturellement il y a aussi les notes de quelques rares journalistes, ± héritiers de Parker, dont les notes peuvent éventuellement faire bouger quelques prix et quelques stocks. On y ajoutera pour faire complet les résultats des ventes aux enchères, le LIVE-EX et autres WINESEARCHER.

On a le droit d'être triste devant une telle évolution car, qu'on le veuille ou non, c'est bien le début d'un changement d'époque où le vin était avant tout un produit de convivialité à boire et apprécier entre amis alors que là, fatalement, on s'oriente vers un produit d'investissement pour classe de riches.

Je suis triste.

Mais, bien sûr, mon opinion n'a strictement aucune importance sur cette évolution.

Par contre, plus que jamais, il va falloir développer le concept du GRAND JURY EUROPEEN (GJE) qui a été créé trop tôt. Il faut absolument associer au principe fondamental d'une première opinion sur un jus en sessions demi-aveugle, une seconde opinion sur le poids que représente l'étiquette, dans ce qu'elle enseigne historiquement sur le devenir du vin, chacun sachant parfaitement et acceptant tout également le fait qu'en dégustant jeune un Lafite est assez éloigné (euphémisme) de ce qu'il peut apporter plus tard. Bien sûr, la connaissance du millésime joue également un rôle dans cette double approche.

On l'a déjà écrit ici : il est impératif que ce rajout éventuel (ou une éventuelle déduction) de points sur la note du jus soit argumenté par le dégustateur dont on protègera l'anonymat qui manquait cruellement aux dégustations du Grand Jury de Monsieur Luxey

A tout le moins, avec ce système de double dégustation, l'amateur disposera d'un outil qui sera capable de relativiser ce que sortiront les pointures financières dont chacun aura compris qu'elles devront avant toutes choses garder et augmenter leurs clients (c'est du pur business) et qu'elles ne sont pas là pour donner une opinion sur les seules valeurs qualitatives des vins.

Pour enfoncer le clou, disons qu'a priori - on attend de voir - cet outil de type  "Standard & Poor's" ™ n'a pas comme priorité de donner une chance à des crus moins connus alors même que des dégustations type GJE auront montré à quel point ils peuvent être méritants.

Fort heureusement, ce n° 51 du WSW est toujours une bible sublimement illustrée de ce qui se passe dans le monde du vin. La Bourgogne truste pas mal de pages, San Leonardo explique son approche anti-fraude, les Raveneau (page 110) sont tout beaux, … et Bettane y explique sa position pour les primeurs de cette année. Oui il viendra. Non, il ne participera pas à ce qu'organise cette année, en grande nouveauté, l'UGCB.

Neil Beckett raconte son voyage en Douro et Hugh Johnson, toujours aussi remarquablement intelligent et modeste, nous offre des perspectives entre passé et présent.

Et, là aussi article majeur, quelques coups de gueule - à l'anglaise, hein ! - sur le système des enchères à Trèves qui se balance entre deux chaises particulièrement inconfortables. Bon : on en parlera sans doute dans un billet futur.

Vous avez le droit de subtiliser ce n° 51 chez votre cardiologue habituel. Comment ? Il n'a pas ça dans sa salle d'attente ? Méfiez vous ! C'est peut-être un buveur d'eau et il n'est que temps d'en choisir un autre : trop dangereux ces gens là ! Ne jamais oublier : un bon toubib, un bon notaire, un bon chanoine : des professions qui ont toujours su encaver de très belles choses !

:-)