L’Europe s’entredéchire au fil des flux migratoires. La déliquescence de la vie syrienne a lancé de pauvres gueux sur les routes de l’exode. Ils arrivent en Grèce, point de passage pour de nouvelles destinées. Mais les accords de Dublin, rétablis par la chancelière Merkel, amènent les migrants à s’inscrire dans le pays européen où ils sont arrivés en premier. Ainsi, la belle Hélène se travestit en salle d’attente de fortune et se meurt d’hospitalité insalubre. La chancelière a joué avec le feu, diront ces voisins. Elle a annoncé qu’elle accueillerait sur son sol allemand 800.000 migrants en 2015. Elle s’est prononcée sans concertation avec les 27 autres pays de l’Union Européenne, en croyant bien faire pour le salut de son économie (baisse de la natalité chez les Teutons) et en se persuadant, par le biais d’une politique de quotas (vilain mot) que les amis accepteraient de se partager les nouveaux venus. Il n’en a rien été. L’Europe entend la souffrance de la Grèce qui ne peut plus accueillir cette misère du monde, clouée sur place en raison de fermetures de frontières, de barbelés hérissés, un peu partout, en Autriche, Slovaquie, Hongrie, le long des Balkans… L’Europe s’enlise dans la problématique migratoire générée par le chaos syrien, cet effondrement d’un pays que mines et bombes de Bachar, mais aussi de Daech, auront transformé en cadavre. Alors la Turquie sort du bois. Son maître, Erdogan, propose, à Bruxelles, un deal. Il s'agit d'abord de créer un mécanisme commun d'ici le 1er juin entre l'UE et la Turquie pour que les migrants économiques puissent être «réadmis» en Turquie et quitter ainsi l'Union européenne. Profitant de cet aubaine géostratégique, le maître d’Ankara demande une aide pécuniaire (6 milliards d’euros) pour cette hospitalité de bon aloi et rajoute à la facture une exemption de visas, dès la fin juin, pour les ressortissants turcs voulant voyager dans l’UE. Il savoure sa position de force en se permettant de relancer, comme ça, mine de rien, une rapide négociation sur cinq nouveaux chapitres d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne. Erdogan a de belles cartes en jeu même si l’ONU s’indigne de voir des perspectives d’expulsion vers la Turquie. La noble institution les juge « illégales » mais le prince ottoman n’en a cure. Il peut tirer une vilaine épine du pied européen quand bien même il n’est pas étranger à cet afflux ingérable de migrants. On sait que la Turquie, sunnite, soutient le drapeau noir de Daech, enfin, de façon feutrée, subtile. Les avions turcs, en pilonnant les positions kurdes hostiles à l’Etat islamique, élargissent la plaie syrienne et précipitent la fuite de populations désespérées entre le glaive de Bachar et le cimeterre d’Isis. Erdogan, au secours de l’Europe, mais avec du sang sur les mains ! L’Europe voit affluer les migrants de Syrie Que Daech et Bachar ont chassé des abris La malheureuse Hélène n’en peut plus d’accueillir La misère du monde noircissant l’avenir.
La noble chancelière s’est drapée d’utopie En croyant que confrères suivraient ses arguties Elle prônait les quotas d’étrangers par nation L’exemplaire énergie d’une répartition.
La dame hospitalière par bonté calculée Sur ses terres essaimées de dénatalité A vu dans le migrant la future main d’œuvre Elle a ouvert la vanne, justifiant la manœuvre
Ses voisins ne pouvaient tout autant l’imiter Conjoncture funeste, chômage à volonté Ne font pas bon ménage avec l’immigration Et le chacun pour soi divisa les nations.
On vit construire des murs sur la voie des Balkans Les barbelés d’Autriche, les croates piquants Tant de barrages aigus pour stopper l’apatride Le retenir en Grèce jusqu’au point de suicide.
C’est alors qu’Erdogan au palais d’Ankara Repensant la Turquie sous de beaux apparats Mesura l’occasion très géo-politique D’ôter à cette Europe une épine tragique.
Payez-moi grassement et je m’engagerai A héberger dûment les troupeaux d’exilés Qui croupissent en geignant sur les terres d’Hélène Expulsez-les vers moi de façon souveraine !
J’ajoute à la facture l’exemption de visas De mes ressortissants désireux de climats De soleil et d’hôtels sur les plages d’Europe Permettez ce tourisme sans péchés interlopes
Ainsi parle Erdogan, en bon maître chanteur A l’Europe aux abois qui déteint ses couleurs Les vingt-huit impuissants que les phobies divisent Voient dans la marche turque une sortie de crise
Sur les ruines de Schengen, le nouvel ottoman Tombe, en aigle rusé, ses atouts combattants Pour négocier les pas d’une lointaine adhésion A ce clan névrotique, piqué d’immigrations
Ces invasions massives qu’il nourrit cependant De ses armes sunnites, pour l’armée du Levant En pilonnant les Kurdes qui combattent Daech Il aide un drapeau noir à conforter les brèches.
Souffleur de mille feux, nourrissant le brasier Le puissant d’Ankara génère les déplacés Les fuyants, les sans rien, d’une exsangue Syrie Pour qui, vaillant sultan, il propose un abri...