L'autre jour, j'ai découvert sur Facebook le Manifeste pour un Printemps républicain.
Après sa lecture, puis sa relecture, je n'ai pu m'empêcher d'écrire quelques lignes, comme une adresse à celles et ceux qui l'ont écrit.
Manifeste pour un Printemps républicain est une belle déclaration que je qualifierai de hors sol et d'inutile.
Prétendre combattre l'obscurantisme de tout poil (racisme, intégrisme religieux, etc) avec de grands mots et avec quelques pincées de morale est inefficace et mortifère.
L'obscurantisme se nourrit de la désespérance sociale, laquelle est le fruit de plus de trente ans de politiques néolibérales en France et en dehors de nos frontières.
L'obscurantisme grandit à mesure que la précarité sociale se généralise à coup de simplification (coucou au couple Badinter, l'un milite pour la simplification du code du travail, et l'une engrange les dividendes, sympa la division du travail !) du droit du travail, de déréglementation de la finance, d'absence de normes sociales et environnementales, d'encouragements à licencier et à délocaliser, d'impunité pour les responsables de l'évasion fiscale (l'équivalent annuel de l'impôt sur le revenu), de casse des services publics...
La République est de plus en plus inégalitaire et injuste pour les classes populaires. La peur du chômage, de perdre son logement, de rater ses études... La pauvreté, la misère, les Sdf... Le mépris des élites pour les travailleurs de base et les petits fonctionnaires... La délinquance, les trafics divers qui sont tolérés pour éviter toute explosion .. L'absence de services publics dans certaines localités où vivent comme par hasard celles et ceux qui en ont le plus besoin...
Or, les initiateurs-trices de ce manifeste parlent d'une République et de ses beaux principes, sans même traiter un seul des maux précités qui contredisent le triptyque républicain.
Ainsi, évoquent-ils l'égalité, mais ils la réduisent à l'égalité Homme-Femme. Or, qu'est-ce que cette égalité-là sans la relier à la lutte des classes, en d'autres termes sans la placer dans le cadre général de l'émancipation de l'ensemble des Citoyen-ne-s ? Un leurre puisque peu me chaut de connaître le sexe qui commande, exploite et spolie; que ce soit Parisot ou Gattaz, une femme ou un homme à la tête du MEDEF ou d'une entreprise.
Ou encore, la laïcité, mais ils ne la relient pas au combat émancipateur de l'égalité sociale et de l'éducation, quand bien même la misère et l'ignorance constituent le meilleur terreau pour les agents recruteurs de l'obscurantisme.
Ils auraient pu également citer les exemples des ouvriers de Goodyear injustement condamnés à des peines de prison, des Conti qui ont subi les pires brimades pour s'être opposés à la fermeture non justifiée économiquement de leur usine, des personnes qui dorment dans la rue, des étudiant-e-s qui abandonnent leurs études faute de moyens, des parents aux horaires de travail atypiques qui ne peuvent surveiller et vérifier les leçons de leurs enfants...
Nada. Ce manifeste occulte complètement la réalité sociale.
Ce manifeste ne s'attaque surtout pas à cette République inégalitaire qui est dominée par une caste d'oligarques, à tel point que l'alternance politique est devenue fictive, TINA oblige, avec LR et PS. C'est cette République oligarchique qui jette certain-e-s de nos concitoyen-ne-s dans les bras des obscurantistes de l'extrême droite et de l'islamisme !
Alors, est-ce par crainte de franchir le point Godwin si ce Manifeste ne rappelle pas que la présente crise et les mesures austéritaires qui l'accompagnent favorisent l'émergence de l'extrême droite dans toute l'Union européenne, à l'instar de la crise des années 30 ?
Est-ce par crainte également de se fâcher avec le PS si les rédacteurs-trices de ce manifeste omettent de souligner que l'émergence des forces politiques du fanatisme religieux et du racisme est due essentiellement aux politiques néolibérales de régression sociale ?
Bref, ce manifeste est une belle coquille vide, pleine de belles intentions et de morale... Y sont cités à de multiples reprises les mots République, laïcité ou égalité, mais jamais Capital, licenciements, chômage, misère, pauvreté, délocalisation, précarité, éducation.... Bizarre !
Nous ne risquons pas d'entrevoir un printemps républicain avec un tel manifeste...