Melvin (Stephen Dorff), quarante ans, habitent encore chez sa mère, dans une banlieue abandonnée et anonyme de Louisiane. Il passe ses journées à traîner avec son ami d’enfance, Lucille (Eddie Griffin), vétéran de la première guerre du Golf. Doté de pouvoirs de télékinésie, il ne les exploite que pour effectuer quelques larcins et pour mendier. Jusqu’au jour où, pour récupérer la garde de son fils, il envisage de devenir un super héros.
Melvin (Stephen Dorff)
American Hero, voilà deux mots qu’il faut à la fois dissocier et relier pour comprendre l’essence du film. Par “American”, il ne s’agit pas ici d’exalter un quelconque sentiment patriotique, nous sommes très loin de Captain America. “American” désigne le peuple américain, ce peuple que l’on ignore dans les hautes sphères, ce peuple qui vit au quotidien les conséquences de décisions politiques qui finissent par le dépasser, qui trime et qui rame pour rester digne. On parle donc d’américains mais l’on pourrait parler de français, de chiliens ou d’afghans. American Hero parle une langue universelle qui n’a rien de spécifique aux États-Unis. Tourné comme un documentaire sur Melvin, dont Lucille serait l’instigateur, American Hero introduit des personnages secondaires qui témoignent, comme autant de portrait de cette Amérique abandonnée après Katrina, des difficultés qu’ils connaissent. Leurs petites histoires, à priori anodines, sont un véritable supplément d’âme que Nick Love insuffle à son film. C’est ainsi qu’une vieille femme raconte comment la tempête aurait pu la laisser exsangue ou que Lucille maudit ce Bush qui l’envoya en enfer. Rarement, un réalisateur aura porté aussi bien son nom, American Hero déborde d’amour. De cet amour que l’on porte, sans contrepartie, à des amis fidèles, ce genre d’amour filial qui fait de n’importe quel père attentionné le super-héros de son gosse.
Lucille (Eddie Griffin) et Melvin (Stephen Dorff)
C’est de cela que relève le terme « Hero ». Ne vous attendez-pas à un film de super-héros. Certes le pitch rappelle les hilarants Kick-ass, mais il faudra ici chercher l’aspect comique du récit dans une ironie subtile et pince sans-rire. Le cœur d’American Hero se situe ailleurs, dans d’autres sphères que celle du spectacle facile et ébouriffant. Le film de Nick Love est une véritable bombe à retardement d’émotions enfouies dans une narration réellement émouvante. La part d’héroïsme de Melvin se situe dans le combat qu’il va mener contre ses propres fêlures et ses démons intérieurs. Ses pouvoirs, c’est un peu le vernis social, la part de représentation qui éclabousse tout autour de lui mais cache sa vraie nature. Cette dernière, American Hero l’effrite avec tendresse pour laisser son protagoniste totalement à nu. C’est en se rendant compte que jouer les gros bras ne lui réussit pas trop et qu’il est juste en train de choisir une nouvelle échappatoire aux vrais questions qui l’assaille qu’il décide d’arrêter d’être en représentation. C’est l’occasion de revenir aux fondamentaux, d’apprendre à faire des concessions avec son ego, pour apprendre à pardonner. En entamant un dialogue auparavant impossible avec son ex-femme, tous ses efforts, plus héroïques qu’il n’y paraît, lui offre la plus gratifiante des récompenses : l’amour d’un fils.
Melvin (Stephen Dorff)
Très agréable surprise qui nous a rappelé Nebraska d’Alexander Payne, American Hero exalte les sentiments simples et les combats ordinaires. Nick Love s’entoure d’acteurs très attachants et d’une bande son hip-hop qui détonnent avec les rues désertes de la bourgade sinistrée qu’il met en scène. Un choix à l’image d’une société déchirée par les apparences qui à l’instar de la troupe joyeuse d’American Hero n’aspire qu’à un peu de simplicité et à davantage de solidarité. American Hero, c’est cette Amérique à visage humaine que l’on aime, loin du grandiloquent hollywoodien, proche d’une réalité dont le miroir souvent déformant du cinéma peine à rendre justice.
Boeringer Rémy
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