Emmanuel Macron tire les couvertures à lui. C’est la bonne pratique pour mettre son plus proche rival dans de beaux draps. Les Unes des news rivalisent pour afficher son profil de jeune premier de la classe politique. Le voilà sacré en rien de temps par l’OBS, qui voit en lui « une fusée », l’Express, le Point, Marianne et même Valeurs actuelles. Sans compter la frénésie des réseaux sociaux. Macron est devenu une marque. C’est pour ça qu’il se démarque. En peu de temps, il fait mieux que Michel Onfray qui a d’ailleurs depuis longtemps fait trébucher à son profit Bernard Henri Lévy de la plus haute marche du podium de la visibilité.
Jusqu’à présent Emmanuel Macron s’efforçait de paraître (jeune, nouveau, compétent, iconoclaste, moderne, innovant, enflammé d’excellence…) Désormais, Emmanuel Macron veut apparaître comme celui qui incarne de nouvelles postures (jeune, nouveau, compétent, iconoclaste, moderne, innovant, enflammé d’excellence…). Cette nuance lexicale n’est en rien insignifiante. Depuis qu’Emmanuel Macron laisse entendre qu’il s’invite au festin de ceux qui se reconnaissent un destin, son image s’affermit. Invité par le président à mettre ses ambitions législatives au silence, il voit avec ravissement s’embourber sa collègue ministre du travail dans les marécages de la réforme. Plutôt que de se taire, il choisit de parler d’autres choses. Ce qui amplifie sa différence.
Déclassé dans le rang des ministres lors du dernier contrôle continu organisé sous la férule du premier ministre, écarté des feux médiatiques par la ministre du travail qui brûle en direct son espérance de notoriété, Emmanuel Macron avance et pousse ses avantages. Plus exactement, il marche. Il marche à grands pas vers sa suite ministérielle bien tempérée au fur à mesure que s'accumulent les couacs qui accompagnent le projet de loi sur le travail. C’est, sans surprise, encore une photo qui témoigne du parcours du ministre présenté l'an passé par certains médias comme « le Mozart de l’Elysée ». Publiée le 3 mars dernier, notamment par Le Monde, elle montre le jeune ministre en mouvement se déplaçant le long d’une paroi vitrée à Bercy. Selon le journal, le cliché est daté du 1er mars. Il illustre un article vantant le sens de « la pédagogie » du ministre et ses intentions de « transparence ». Le décor dépouillé où se multiplient les lignes, les jeux de lumière apporte de l’épaisseur au personnage. La silhouette du ministre humanise cet univers de lignes et d’angles droits qui évoquent les cadres de l’action de l’Etat. Il instille du mouvement dans le jeu des procédures, de la réglementation et la rigidité bureaucratique. Seul devant cette cloison lumineuse qui pourrait être la façade d'un musée d'art contemporain, le ministre porte le regard au loin. Un message ?
C’est sans doute là paradoxalement que réside les clés de la bonne étoile d’Emmanuel Macron. Si d’autres acteurs politiques déploient un projet, des intentions, une vision, Emmanuel Macron, lui, installe un savoir-faire que les médias traduisent par la méthode Macron. Son discours de la méthode consiste à produire des aphorismes qui le positionnent en responsable raisonnable. Ainsi, est-il favorable « au débat ». Le cœur de sa méthode est simple : « On peut conjuguer le volontarisme de la réforme et le respect de toutes les voix. » Quand la ministre du travail piétine, il explique que « si on reste dans la guerre de positions, on n’avance jamais ». La méthode Macron, on le voit, ne répugne pas à des expressions tranchées. Ainsi, installe-t-elle l’image d’un politique qui ne brutalise pas le corps social. La méthode Macron serait alors une médecine douce de la réforme. L’homme peut alors se satisfaire (ou valider) l’image que donnent les services de Bercy. Celui qui déambule dans les couloirs du ministère le plus moderne des sites du gouvernement ne se sépare pas de son téléphone portable ce qui lui permet de ne pas être encombré de dossiers à l’inverse des autres membres du gouvernement toujours porteurs des affaires en cours. Il peut alors sourire à son avenir. Emmanuel Macron se déplace avec son double. Le reflet est plus qu’une image dupliquée. Il indique que la méthode porte ses fruits. Il y a désormais un réformiste de rechange. Le choix possible entre celui de gauche et celui de droite.