Non, je ne me retournerai pas. Elle ne veut pas montrer son visage. Son visage d’alcoolique. C’est sa pudeur. Elles sont deux, l’une boit des verres, l’autre écrit des vers. Et l’une et l’autre ne peuvent s’arrêter. L’une est accoudée au bar et parle, parle. L’autre prend des notes, fait un portrait. Un portrait sans visage. La voix pénètre en nous, douloureuse, curieuse. Le vulgaire côtoie le sublime. Elle se cogne la tête dans ce coin de la scène, inatteignable dans son propos violent, profondément triste et pourtant volontaire. Si je la croisais, je ne lui parlerais sans doute pas. Et c’est pourquoi elles sont deux en une, personnages l’une et l’autre, que je peux entendre, en être bouleversé. Le mot qui insiste dans ce monologue et s’installe dans ma tête, tandis que tombent une à une les feuilles du texte, c’est soif.
J'ai vu ce spectacle à la Maison de la Poésie, à Paris.