Aujourd’hui, alors qu’un comité parlementaire européen révise le programme de développement appelé Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition (NASAN), des militants venus de différents pays d’Europe mettent en scène l’affrontement entre les grandes multinationales et les petits agriculteurs.
Lancée en 2012, la Nouvelle Alliance est un « programme de développement agricole » financé par les pays du G7 et l’Union Européenne. Ce programme dont l’objectif est de sortir 50 millions de personnes de la pauvreté dans 10 pays partenaires en Afrique est basé sur le postulat que l’investissement de sociétés privées dans l’agriculture augmentera la production agricole, ce qui augmentera automatiquement la sécurité alimentaire et la nutrition et réduira par conséquent la pauvreté.
Cette initiative a été fortement critiquée par des organisations de la société civile dans le monde entier au Nord comme au Sud parce qu’il facilite les accaparements de terres et de ressources naturelles, affecte les petits agriculteurs et leur droit à une alimentation adéquate, tout en accélérant le processus de privatisation des semences. L’ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, Olivier de Schutter, a été chargé par l’UE de rédiger un rapport d’évaluation de la Nouvelle Alliance. Ce rapport conclut que la Nouvelle Alliance « est sévèrement déficiente dans de nombreux domaines ». Par exemple, la NASAN est « silencieuse quant à la nécessité d’encourager un changement vers une agriculture durable utilisant peu d’intrants ». Le rapport critique également les risques d’accaparement de terres et de privatisation des semences. Il appelle l’UE et les Etats membres à rendre leur soutien à la NASAN conditionnel à de nombreux changements, soulignant qu’ «aucune de ces améliorations ne sera durable à moins qu’elle soit ancrée à une approche basée sur les droits humains dans le développement agricole ».
Les militants prenant part à l’action d’aujourd’hui s’adressent aux membres du Parlement Européen pour qu’ils recommandent le retrait de l’UE de la NASAN, car cette initiative ne sert que les intérêts des multinationales de l’agrobusiness, et non les intérêts des petits agriculteurs.
L’UE a investi plus d’un milliard d’euros dans la NASAN, en plus des contributions des Etats membres de la NASAN.
Maureen Jorand, Chargée de plaidoyer souveraineté alimentaire, CCFD-Terre Solidaire: « L’Union Européenne joue un rôle crucial dans la Nouvelle Alliance. Avec une participation financière de plus d’un milliard de dollars, sans compter les contributions des états membres, l’UE est le deuxième plus important financeur de l’initiative. Et l’UE coordonne directement la Nouvelle Alliance en Côte d’Ivoire. Or, dans ce pays, il y a des preuves d’endettement des paysans et de menaces sur leurs régimes fonciers. Il est primordial que le Parlement européen prenne en compte les voix de plus d’une centaine d’organisations d’Afrique et d’Europe qui demandent à l’UE d’arrêter son soutien à la Nouvelle Alliance ».
Peggy PASCAL, chargée de plaidoyer sécurité alimentaire, Action contre la Faim - France « Depuis son lancement, la NASAN a un objectif assez clair : favoriser les investissements de multinationales en Afrique en prenant pour alibi la lutte contre la faim et la malnutrition. Les conclusions du rapport d’Olivier de Schutter sont claires : la NASAN soutenues par les pays du G7 a des impacts négatifs sur la sécurité alimentaire et les droits des petits agriculteurs. L’UE doit mettre un terme à son soutien à cette initiative en favorisant des initiatives qui soutiennent l’agriculture familiale et paysanne et l’agro-écologie. »
Fabien Millot, Chargé de mission « Souveraineté Alimentaire » à Peuples Solidaires-Action Aid France, alerte : « Non seulement la Nouvelle Alliance ne soutient pas les producteurs de l’agriculture familiale et paysanne qui produisent plus de 70% de l’alimentation mais elle les affaiblit en permettant aux multinationales de prendre durablement le contrôle du secteur agricole africain, via des réformes législatives concernant les semences, le foncier et la fiscalité. Nous ne sommes pas contre les investissements, mais la Nouvelle Alliance est intrinsèquement inappropriée et dangereuse, et c’est pourquoi plus de 48 000 personnes ont déjà signé une pétition demandant à la France d’arrêter son soutien à cette initiative. »
Heidi Chow, chargée de campagne pour Global Justice Now affirme: “Durant les quatre dernière années, la NASAN a fait très peu pour éradiquer la faim et assurer la sécurité alimentaire, mais beaucoup pour faciliter les accaparements de terre, forcer les petits agriculteurs à quitter leurs terres et imposer les multinationales agro-alimentaires aux pays et communautés en Afrique. Le rapport de Mr. De Schutter qui est un des travaux les plus documentés sur la question, arrive à la conclusion que la NASAN est un échec cuisant. L’argent de l’aide au développement devrait être utilisé pour les initiatives agricoles qui favorisent l’augmentation des récoltes, des pratiques durables, et la résilience des communautés, au lieu de subsidier les agrobusiness et de les aider à prendre le contrôle »
Plus de 100 agriculteurs et des organisations de la société civile autour du monde ont déjà appelé les gouvernements à arrêter leur soutien à la NASAN : http://www.actionaid.org/2015/06/call-civil-society-organizations-their-governments-new-alliance-food-security-and-nutrition-
Cette action est une initiative de Action contre la Faim-France, CCFD – Terre solidaire France, Peuples Solidaires-Action Aid France, SOS FAIM Belgique, Global Justice Now.
A retenir :
* La Nouvelle Alliance, un « programme d’aide au développement » fortement controversé sera débattu en Commission Développement du Parlement européen (DEvCo) ce lundi 14 mars 2016 à 15h.
* L’ancien rapporteur des Nations-Unies pour le droit à l’alimentation et la société civile appellent l’Europe à se retirer de ce « projet de développement » .
* A Bruxelles, la société civile met en scène l’affrontement entre les grandes multinationales et les petits agriculteurs : une action symbolisant l’affrontement entre agrobusiness et petits agriculteurs - Parc Léopold, Bruxelles, Belgique, lundi 14 mars de 13h30 à 14h.
Contact presse :
A Paris: Julia Belusa : 01 70 84 72 22 / [email protected] / @JuliaBelusa