Une rétrospective (la première depuis 1933) de ce peintre hors norme au Louvre n’était que justice puisque pendant des années, il travailla à la conception et à l’organisation du muséum national destiné à présenter au peuple les collections royales … et celles laissées derrière eux par les émigrés …
Hubert Robert (1733 – 1808), figure marquante du siècle des Lumières, ne fut pas un peintre maudit. Paysagiste, reconnu comme peintre d’architecture lors de sa réception à l’Académie en 1765 après dix années passées à Rome avec son comparse Jean-Honoré Fragonard et sa fréquentation de Pannini et Piranèse, il s’affirme comme un peintre majeur du XVIIIème siècle, mais aussi un peintre visionnaire, dessinateur de jardins, inventeur de décors spectaculaires où la fragilité de la vie, la précarité des destins affleure à travers les repousses de végétaux entre les pierres de ruines imposantes …
Cette exposition rassemble un ensemble exceptionnel par l’homogénéité des thèmes et l’étendue du regard : de merveilleuses sanguines, les vestiges antiques de toutes sortes très à la mode du temps, des feuillages frémissants, des cascades tournoyantes … et au milieu, le petit peuple qui réutilise les ruines, vit parmi elles sans prendre garde à leur dimension symbolique. Des lavandières, des scieurs de long … la vie qui continue au milieu du chaos, quelques scènes de genre comme cette maman qui tend le biberon à son bébé.
En revanche, pas un seul tableau religieux, aucun portrait hormis celui que fit de lui son amie Elisabeth Vigée-Lebrun.
Hubert Robert est un peintre à la mode qui fraye surtout avec la noblesse qui décore ses châteaux et ses hôtels particuliers. De grandes compositions comme les Sources de la Fontaine de Vaucluse (en 1785). Au moment de la Révolution, Elisabeth Vigée-Lebrun émigre pour un long périple à l’étranger. Hubert Robert, lui, du fait de ses accointances avec la noblesse qui le nourrit de commandes, est d’emblée suspect sous la Terreur : il est incarcéré de fin octobre 1793 au début août 1794 et ne doit sa libération qu’à la chute de Robespierre. Pendant sa mise à l’ombre, il peint sur tous les types de supports qui lui tombent sous la main (des assiettes par exemple), les détenus dans les sombres couloirs ou l’intérieur la cellule du baron de Bezenval à la prison du Châtelet.
Il peint aussi la Bastille, dans les premiers jours de son démantèlement par les insurgés, et la destruction des maisons édifiées sur les ponts de Paris : toujours cette réflexion teintée de romantisme sur le temps qui passe, la chute des civilisations, les désastres urbains – comme l’incendie de Rome.
Dans les dernières années de sa vie, Hubert Robert est réintégré en 1795dans ses fonctions de conservateur du musée qui deviendra Le Louvre, qui a ouvert en 1793. Il propose des solutions pour mettre en valeur les tableaux, propose un éclairage de la Grande Galerie par une succession de lanternes percées dans la voûte, un système qui ne sera réalisé qu’un siècle plus tard …
Visions fantastiques, décors bucoliques, accumulation de monument (des « caprices ») marqués par le temps – son morceau de réception « Le port de Ripietta » ou les monuments de Paris rassemblés en une vision fantasmagorique …
Ce que je garde en mémoire, c’est cette corde à linge accrochée à la statue de bronze de Marc-Aurèle … comme un pied de nez à l’indifférence du présent par rapport au passé, donc à la suprématie de la vie !
Hubert Robert, peintre visionnaire, au musée du Louvre (Hall Napoléon) jusqu'au 30 mai – ouvert tous les jours sauf le mardi, 15€.