Cela m’arrive de temps en temps. Un album sort et, avant même de me poser la question « qu’en dire ? », je me laisse influencer par l’artiste qui nous en donne des indices des plus pertinents, que ce soit sur la genèse ou le sens de l’œuvre. Toujours intéressant.
Pour Brute, second album de Fatima Al Qadiri et qui fait fuite à Asiatisch qui reçut un très bel accueil en 2014, je ne vois pas comment ne pas respecter les propos de la musicienne née sénégalaise mais d’origine koweïtienne.
Tout d’abord, elle revient sur l’origine du mot « brute », qui a la même acceptation en anglais qu’en français. D’ailleurs, le mot provient du vieux français, qui initialement signifiait plutôt « ennuyeux, stupide ».
“You are no longer peacefully assembling,” annonce la voix d’un officier sur un canon à son (en anglais, Long Range Acoustic Device ou LRAD), qui, comme son nom en français est bel et bien une arme sonore employée par les polices lors de manifestations, capable de rendre sourd tant le niveau sonore est élevé. C’est donc bien un outil qui symbolise la violence.
Fatima Al Qadiri revient ainsi avec son second album chez Hyperdub. Brute a été fait du point de vue de son expérience transnational, et il explore le thème de l’autorité, la relation entre la police, les citoyens et la contestation à travers le monde, tout particulièrement de son pays d’adoption, les Etats-Unis.
Musicalement, ce nouvel album vacille entre rage et désespoir, se manifestant en des percussions sobres, des enregistrements samplés et transformés de manifestations urbaines, et les légères progressions qui sont la signature de l’ensemble de l’œuvre de la musicienne.
Tel un hommage à ceux qui sont à l’avant des manifestations et telle une condamnation du fascisme néolibéral, Brute distille une toile de fond sonore plutôt effrayante d’un monde où la brutalité se voit normalisée, illumination douloureuse de la façade de la démocratie.
Comme on peut le voir aisément, le visuel de l’album est un détail de la sculpture Po-Po réalisée en 2015 par Josh Kline, d’après l’un des quatre Teletubbies, Po, et grandement modifié par le directeur artistique Babak Radboy.
Musicalement, Brute est très, trop proche d’Asiatisch. Est-ce volontaire ? Je ne sais pas. Probablement. Mais il est certain que, dans tous les cas, cela pose un véritable problème. Car, quasiment à deux mois exactement d’écart, comment Fatima Al Qadiri peut-elle nous proposer ce qui serait une simple suite à son premier album ?
Mon constat est sévère, mais c’est résolument l’impression ressentie dès les premières minutes. De surcroît, hormis les ambiances liées à la thématique annoncée de façon presque programmatique, on se dit juste – du moins, je me le suis dit : je pourrai tout aussi bien écouter à nouveau Asiatisch et cela me procurerait le même effet. Oui, car, même quand on apprécie Fatima Al Qadiri, on n’écoute pas sa musique en boucle, jusqu’à la connaître sur le bout des doigts.
Je crois que Brute va devoir prendre tout son temps pour mûrir.