Après avoir sévèrement sévi dans sa série Monster, Naoki URASAWA déchire carrément la case dans 20th Century boys. Je te parle djeunz parce que c'est un manga, et que jusqu'ici tu croyais sans doute que les mangas c'est rien que pour les djeunz.
Ben n'importe quoi. Le manga est d'abord destiné aux lecteurs de BD qui sont restés curieux, à ces happy few qui creusent un peu plus loin que les yeux bridés et les idéogrammes couvrant furieusement en diagonale des pages remplies de combats d'arts martiaux. Ces lecteurs là, et les autres aussi, trouveront chez Naoki Urasawa des raffinements de scénario peu communs dans la BD occidentale ; ce qui lui a valu le prix de la meilleure série à Augoulême en 2004. Ses autres atouts ? Un trait fin et précis, une mise en page parfois sobre et d'autres fois terriblement BA-DAM ! BIM ! BOUM !
Si je te le dis.
Alors c'est quoi le pitch ? C'est une bande de gamins qui en 1969 fondent un groupe d'abord pour se défendre d'autres gamins, ensuite pour se divertir. Ils s'inventent un code, des légendes du quotidien, des références communes (manga, musique et autres). Et puis l'un d'entre eux peint un logo. Les réunions de ce groupe apparemment bien innocent se tiennent dans un terrain vague, sous un toit fait d'herbes sèches. Mais un jour le terrain vague est bouclé, pris d'assaut par des promoteurs immobiliers. Fin provisoire du délire. Les gamins enterrent leurs souvenirs, leurs objets de culte dans une grande boîte en ferraille au pied d'un arbre.
En 1997, une mystérieuse secte se réunit chaque semaine dans une grande salle du centre ville. Des parents essayent en vain de retirer leurs enfants de l'emprise du gourou de cette secte, un type au visage masqué qui se fait appeler "AMI". Là où ça devient préoccupant, c'est qu'une série de décès bizarres vient frapper l'entourage de cette secte, et quà chaque fois, non loin du crime, on retrouve le logo inventé 28 ans plus tôt (t'as vu comme je sais compter, avec mon Bac S).
Les membres du groupe sont éparpillés un peu partout sur la planète. Mais l'un d'entre eux meurt soudainement, laissant derrière lui les prémisses d'une enquête qui va mener ses anciens camarades... vers Ami.
Dans ces trois premiers tomes, tout est précisément pesé, calculé, entrecoupé comme il faut pour que vous ne lâchiez pas le livre un instant. En finissant le deuxième tome, dans la précipitation de l'action, j'ai entamé le troisième sans presque m'en rendre compte et je l'ai dévoré en une demi-heure... alors que chaque tome compte plus de 200 pages...
Ce manga me fait une impression bien plus forte encore que la découverte de Monster en janvier 2006, et ce n'est franchement pas peu dire. Mieux : je sens qu'il me touche beaucoup plus dans le choix même de l'intrigue. Le passage continuel du présent de l'adulte au passé de l'enfant crée une véritable addiction aux deux actions simultanément. Les relations entre les enfants, en particulier, sonnent impeccablement juste.
Je ne crains qu'une chose, c'est qu'en 22 tomes les actions secondaires épuisent l'action principale, comme cela s'était produit avec Monster : remettre toujours la résolution de l'intrigue à plus tard en ajoutant sans arrêt de nouveaux personnages, de nouvelles intrigues parallèles, c'est le (gros) défaut qui m'avait poussé à arrêter au 12è tome cette série qui en compte 18.
Donc à suivre, de près.
3 x 200 pages, éd. Panini Manga - 8,95 € chaque tome
(donc merci Gérald de me les avoir prêtés... )