Neptune a bien inspiré les marins-pêcheurs d'Erquy (22). On savait depuis les années 50 que la côte abritait des bancs de praires.
Mais c'est une douzaine d'années plus tard que furent découverts les premiers bancs de coquilles Saint-Jacques, permettant à ce port breton de se hisser parmi les tous premiers d’Europe pour ce type de pêche.
Ce fut quelque temps une pêche miraculeuse mais il a fallu prendre assez vite les bonnes décisions pour la maintenir.Et que d'aussi belles assiettes que celle-ci puissent continuer à honorer les tables de la région (ici celle du "S" du Spa Marin Val André).
Vous allez constater que cette pêche n'est pas banale.
La Baie de Saint Brieuc possède le plus grand gisement de France de Coquilles Saint-Jacques (50% de la production nationale) et le port d’Erquy en est l’un des principaux fournisseurs. La pêche est artisanale et les coquilles Saint-Jacques sont sauvages (elles n'y sont pas issues d’une culture).
J'ai eu la chance de rencontrer plusieurs patrons-pêcheurs qui m'ont expliqué les règles draconiennes qu'ils se sont eux-mêmes imposées.
Sans coquille il n'y aurait plus de pêcheurs à Erquy. Il y avait 136 bateaux en 1988. Ils ne sont plus qu'une quarantaine aujourd'hui. Pour l'anecdote Steve André m'a appris qu'une femme avait travaillé ici pendant des années avec son mari mais que contrairement au roman de Françoise Bourdin, la Promesse de l'océan aucune femme n'y possède encore un bateau de pêche.
L'urgence a été de préserver les ressources de Pecten Maximus, qui est le vrai nom de la coquille pour les acheteurs terriens que nous sommes. Retenez bien cette désignation pour ne pas vous faire abuser par les produits qui arrivent gonflés de lait et de flotte en provenance de pays lointains, voire même européens.
Les coquilles mettent deux à trois ans en Manche pour atteindre leur maturité sexuelle. La coquille n’est pas une espèce régie par des quotas de l’Union européenne. Dans d’autres pays comme Jersey par exemple, il n’y a pas de limite dans le temps pour cette pêche. Mais ici dans la baie de Saint-Brieuc on arrête de la récolter au moment du développement du corail, l’organe reproducteur. Voilà pourquoi vous n'en trouverez jamais avec ce corail orange qui est l'organe reproducteur. Elle sera toujours blanc nacré.Des quotas ont été fixés qui sont d'ailleurs atteints avant cette période. Grosso modo on la pêche d'Octobre à Avril mais on arrêtera cette année dès que les 3900 tonnes auront été constatées par la Criée d'Erquy, qui assure le débarquement, la pesée, et la vente qui est réservée aux professionnels.Pas un gramme n'est soustrait à la réglementation, même les 50 kilos (maximum) de godaille alloués par sortie en mer pour la consommation dite personnelle, est soumise à déclaration.
Si le pêcheur veut vendre sa pêche en direct, sur les marché ou aux restaurateurs, il a la possibilité de racheter sa production en s'acquittant des taxes de criées. C'est ce que fait Tanguy Lagadeuc qui est chaque vendredi sur le marché de Pléneuf.
Peu calorique, la coquille saint-Jacques contient d’excellentes protéines et très peu de lipides et de glucides. Elle est source de nombreux nutriments nécessaires à notre bonne santé : acides gras Oméga-4, Vitamine B12, Calcium, Iode, Magnésium, Phosphore, Sélénium et Zinc.
On la trouve sur le marché à coté des poissons (un grondin rouge ci-dessous). Et j'ai remarqué que le type d'engin utilisé est mentionné sur l'étalage.La pêche à la coquille n'est autorisée que deux jours par semaine, les lundis et mercredis, pendant 45 minutes chrono.La contrainte se double d'une autre : pas plus de 1 tonne 2 par marée quelle que soit la taille du bateau qui ne peut d'ailleurs pas excéder les 12 mètres. Le Sirocco IX de Steve est un des plus gros et il pourrait faire plus. Mais il respecte et fulmine contre les braconniers qui sont la honte de la pêche française : ils tentent le tout pour le tout, de jour comme de nuit et l'envie de gagner fait perdre.
Et pourtant les sanctions sont fortes. Les contrôles en mer sont réalisés par les Affaires Maritimes qui disposent d'une vedette de 12 m et de deux zodiacs rapides, par la vedette de la Gendarmerie maritime de Saint-Malo et par la brigade garde-côtes des Douanes. La surveillance aérienne est assurée soit à partir de l'avion affrété par les professionnels soit à partir de l'hélicoptère de la Gendarmerie nationale.Les autorités peuvent ainsi constater la fraude à la minute près, soit parce qu'on a commencé avant le top, soit parce qu'on a dépassé. Entre 0 et 10 minutes le pêcheur est taxé d'une amende de 600 € qui équivaut au rachat de sa licence, et d'une interdiction de deux jours de pêche. De 10 à 20 minutes l'amende est plus forte et ce sont 4 jours de pêche de moins. De 20 à 30 minutes on passe à 6 jours (donc trois semaines) et au-delà c'est la licence qui est retirée à l'année. Sans compter les pertes de revenus quand le bateau est immobilisé et le passage systématique devant le tribunal.
Entre les inspections en mer, et celles qui ont lieu à quai il est difficile de passer entre les mailles et Steve me désigne des bateaux (non photographiés) qui sont ainsi en quarantaine.En mettant en place cette surveillance régulière par les airs et à terre, les pêcheurs ont su pérenniser la pêche à la coquille tout en préservant la biomasse exploitable et assurer un revenu à de nombreuses personnes, justifiant le terme d'or blanc.
La pêche à la coquille s’effectue avec une drague qui est une sorte d’énorme "rateau", avec une poche métallique qui permet de racler le fond de l’océan pour en extraire la coquille Saint-Jacques. Elle a été inventée dans les années 1970, par les pêcheurs d'Erquy pour aller chercher le fameux coquillage qui vit naturellement posé sur les fonds sableux, à environ 30 mètres de profondeur.Au nombre de deux par bateau, elles sont jetées à l’eau et ratissent le fond marin. On appelle cette opération "tirer un trait". Difficile d'en faire plus de deux ou trois, le temps de manœuvrer le treuil, remonter les dragues lourdes de plusieurs kilos, les vider, les remettre à l’eau.Le diamètre intérieur des anneaux métalliques composant le tablier et le dos de la drague (le maillage), fixé auparavant à 72 mm, a été agrandi à 85 mm en 1985 puis à 92 mm en 1996 afin de mieux adapter la sélectivité de l'engin à la taille minimale de capture de la coquille Saint-Jacques. On envisage de l'augmenter encore à 95 ou même 98 mm en fonction des résultats des campagnes d’évaluation des stocks de coquilles Saint-Jacques par l’Ifremer. Bien entendu la conséquence sera de refaire tout le gréement de pêche.Cet engin laisse parfois passer quelques coquilles trop petites. Le tri s'effectue sur place pour respecter la dimension fixe et réglementée minimum de capture de 10,2 cm légalement autorisée dans la baie de Saint-Brieuc (contre 10 cm en Manche Ouest). Les coquilles ne correspondant pas aux critères sont rejetées en mer. Celles qui sont de bonne taille sont empilées dans les mannes (paniers de plastique de 25 kilos).Evidemment, il est interdit de décortiquer les coquilles Saint-Jacques en mer et de débarquer les noix seules. Par contre certains bateaux, comme le Sirocco IX, sont conçus pour pratiquer alternativement la drague et le chalutage à divers poissons et à céphalopodes (lottes, raies, gourdin, tacaud, seiches, encornets...).Depuis peu des licences existent pour autoriser la pêche en plongée de loisir à la coquille Saint-Jacques en chasse sous-marine. Elle est ouverte aux mêmes dates et horaires que ceux qui sont applicables aux pêcheurs professionnels. Par contre elle est limitée à 30 coquilles St Jacques par pêcheur et par jour avec une taille minimale de 11 cm.
Le particulier peut la congeler. La bonne méthode est de les décortiquer, les rincer rapidement et les égoutter. On les place ensuite une à une sur une plaque dans le congélateur sans qu’elles se touchent. On peut disposer une feuille de papier sulfurisé dessus et répéter l’opération. Après 24 heures, on ôte les feuilles de papier et on conditionne les noix en sachets ou boites plastique. On remet bien entendu au congélateur.
La Fête de la Coquille Saint-Jacques des Côtes d’Armor a lieu tous les ans depuis 1992 dans l'un des trois principaux ports d'Erquy, Saint-Quay-Portrieux et Paimpol. En avril 2016 ce sera pour la première fois Paimpol qui l'accueillera. ( les 23 et 24 Avril)Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Steve André que je remercie.