Comme à La Rochelle avec l'île de Ré, impossible de se trouver en face d'une île et de ne pas prendre le bateau pour y aller ! A Marseille, la liaison maritime dessert habituellement le château d'If et les autres îles du Frioul. Seulement, par "mauvais" temps (entendez, pour le sud, quelques nuages et du vent), impossible d'accoster près des rochers qui entourent le château d'If. Nous renonçons donc à sa visite pour cette fois, pour nous concentrer sur les deux autres îles de l'archipel du Frioul. La traversée ne dure que 30 minutes, mais cela suffit à nous dépayser. Je plaisante sur le mauvais temps, mais le mistral souffle, fort et glacial et en hauteur, difficile de résister. Nous sommes courageux et parcourons quand même l'île de Ratonneau de bout en bout. En fait, les paysages sont idylliques, calanques, rochers et mer aux couleurs allant du turquoise au gris en passant par le bleu sombre, mais ils sont ponctués de souvenirs qui n'ont rien de pacifiques. Forts érigés par Henri IV et qui ont aussi servi de bâtiments de quarantaine, mémoire des centres de tri sanitaires destinés aux réfugiés arméniens dans les années 20, bunkers de la deuxième guerre mondiale et batteries allemandes, il y a de quoi avoir des frissons. Partout, des bâtiments en ruine et des barbelés qui définissent des zones militaires dans lesquelles il est impossible de pénétrer. Ce n'est que récemment, dans les années 70 que les plaisanciers sont autorisés à pénétrer dans les îles, et seulement en 1995 que l'Armée les cède définitivement à la ville de Marseille... qui y a construit des logements hideux qui défigurent le paysage. D'ailleurs, les associations écologistes aimeraient bien que l'endroit, riche en espèces animales et végétales, soit encore plus protégé que ce qu'il n'est. Quand aux promoteurs immobiliers, les petites plages, les calanques et la sublime vue sur la cité phocéenne leur provoque une envie irrésistible de construire des hôtels pour touristes fortunés. Pour l'heure, on restaure l'ancien hôpital Caroline, construit au XIXème siècle pour pallier à une épidémie de fièvre jaune, c'est déjà ça.
Après plusieurs heures de marche non dénuée de dénivelée, nous traversons la digue qui relie l'île de Ratonneau à celle de Pomègues... mais renonçons à refaire le même parcours entre les forts et les bunkers. Nous préférons nous asseoir au soleil, à l'abri du vent, sur la plagette du Grand Soufre en attendant la navette qui nous ramènera à Marseille. Bilan de notre visite : une journée incroyable dans des paysages déserts, un pique nique face à Marseille, les yeux dans la mer, des heures de marche le nez dans le mistral et l'impression d'avoir pénétré dans un décor de western militaire.