Romain Gary nous embarque dans la forêt polonaise. C’est l’hiver, la neige est épaisse, tout est glacé, et les températures ne cessent de descendre encore et encore en dessous de zéro. Ils sont un petit groupe à vivre là, cachés. Ils doivent se dissimuler pour garantir leur survie puisqu’ils sont résistants. Ils ont fui leurs villages pour affronter cette Seconde guerre mondiale et combattre les Allemands. Ils ont perdu des frères, des pères, ont vu leurs sœurs et leurs filles embarquées dans des bordels. Janek les a rejoint, un peu par hasard. Du haut de ses quatorze ans, il errait entre les arbres à la recherche de son père disparu et est tombé sur eux.
Courir discrètement en ville pour attraper quelques renseignements ou de quoi manger. Soutenir son ami malade qui sait qu’il va mourir. Faire revivre cette jeune fille qui joue les infiltrés dans le camp adverse en y laissant sa dignité. Essayer tant bien que mal de survivre auprès du feu. Parfois, tenter une action contre les Allemands. Et surtout, attendre, attendre les nouvelles : les nouveaux exploits du célèbre résistant Nadejda, les nouvelles du front russe qui pourrait changer leur destin. Parmi eux, il y en a un qui a décidé d’écrire, des histoires liées à cette guerre, avec imagination et humour : nous aussi nous découvrons ces récits, ces récits grâce auxquels sans doute le petit groupe peut survivre.
Ça s’appelle Éducation européenne. C’est Tadek Chmura qui m’a suggéré ce titre. Il lui donnait évidemment un sens ironique… Éducation européenne, pour lui, ce sont les bombes, les massacres, les otages fusillés, les hommes obligés de vivre dans des trous comme des bêtes… Mais moi, je relève le défi. On peut me dire tant qu’on voudra que la liberté, la dignité, l’honneur d’être un homme, tout ça, enfin, c’est seulement un conte de nourrice, un conte de fées pour lequel on se fait tuer. La vérité, c’est qu’il y a des moments dans l’histoire, des moments comme celui que nous vivons, où tout ce qui empêche l’homme de désespérer, tout ce qui lui permet de croire et de continuer à vivre, a besoin d’une cachette, d’un refuge. Ce refuge, parfois, c’est seulement une chanson, un poème, une musique, un livre. Je voudrais que mon livre soit un de ces refuges, qu’en l’ouvrant, après la guerre, quand tout sera fini, les hommes retrouvent leur bien intact, qu’ils sachent qu’on a pu nous forcer à vivre comme des bêtes, mais qu’on n’a pas pu nous forcer à désespérer.
Il y a tout de même un point qui m’a dérangée : les personnages. Tout d’abord, cela peut paraître bête, mais j’ai eu beaucoup de mal à m’y retrouver : les personnages sont nombreux, ils ont des noms aux consonances étrangères ce qui m’a embrouillée d’autant plus car je les confondais sans cesse. Mais surtout, je n’ai pas vraiment réussi à m’y attacher. Romain Gary lui-même semble assez distant de ses personnages. On peut écarter Janek, le personnage principal, et les figures paternelles peut-être pour qui les descriptions sont plus complètes et « humaines ». Mais pour les autres, c’est assez succinct. Il n’y a aucune empathie. Hors, pour un roman au sujet aussi fort, je trouve cela vraiment dommage. Peut-être suis-je passée à côté de quelque chose ?
Toutefois, je suis assez contente de ma lecture. L’écriture de Romain Gary est très belle et limpide, même si j’aurais aimé plus d’émotion et d’implication. Je continuerai ma découverte de son œuvre avec curiosité.
Romain Gary, Éducation européenne, aux éditions Folio, 7€10.