Voici un texte qui pourrait déranger les critiques littéraires militants. Des fatwas seraient prononcés tous azimuts pour dénoncer l’exotisme triomphant qui imprègne les pages de ce recueil de nouvelles que publie les éditions Dodo vole. Sauf que les mots sont écrits par une malgache qui a choisi de raconter Antananarivo sur un ton railleur et joyeusement critique. Naturellement, avec le titre de ce recueil, je m’attendais à me retrouver dans l’arrière-pays malgache que Johary Ravaloson a décrit de manière très poétique dans son roman Vol à vif. Quelque peu dérouté au départ, j’ai fini par comprendre en progressant dans ma lecture que la campagne décrite n’est autre que la capitale de grande île.
La structure.
Michèle Rakotoson opte pour des descriptions de courtes scènes de vie. Avec la distance et la gouaille
que s’autorise celle ou celui qui vient d’ailleurs, qui a vu d’autres cieux. On ne sait pas trop pourquoi elle est rentrée à Madagascar, mais on découvre avec beaucoup de bonheur l’écarquillement de ses yeux, ses chocs face à des comportements qu’elle ne cherche pas à comprendre. Disons-le, c’est une française à Tana. Pourtant, on sent sous sa plume un amour viscéral pour ce lieu. Et la difficulté profonde qui réside dans le fait de vouloir solutionner certains problèmes sans se faire happer par le système corrompu, les manipulations des uns et des autres. Pour produire ses chroniques, elle offre des textes assez succincts qui s’enchainent et se lisent facilement. C'est aussi une parole acide à l'endroit des politiques qui ne font pas grand chose pour ce pays.
Michèle Rakotoson.
Elle parle très peu d’elle. On découvre au détour d’une page qu’elle a de grands enfants. Que d’ailleurs l’un d’entre eux réside à Tananarive et qu’il n’apprécie pas les excentricités de sa mère. Elle parle très peu d'elle. Même si elle se cite, Madame Rakotoson. Du coup, il est difficile de saisir le positionnement réel de l’auteur qui se défausse sur la société malgache sans réellement se livrer. On est toutefois amusé par ces chroniques. Elles nous font sentir les rues de la capitale Malgache, nous font toucher du doigt les petites gens, elles nous attendrissent par le portrait tout de même affectueux que fait cette dame de son entourage. On passe donc un sympathique moment littéraire parce que l’approche est originale, le style est audacieux. Que restera-t-il de cette lecture ? Difficile à dire, mais pour moi, ce sont les premières images de cette ville de l’Océan indien. C’est déjà ça beaucoup pour le lecteur voyageur que je suis.
Michèle Rakotoson, Madame est à la campagne
Chroniques malgaches - 86 pages - Editions Dodo vole - 2015