Frenchman

Par Belzaran


Titre : Frenchman
Scénariste : Patrick Prugne
Dessinateur : Patrick Prugne
Parution : Septembre 2011


« Frenchman » est un album paru il y a six mois environ. C’est un très bel ouvrage, massif et agréable. La couverture est splendide. Sur un fond vert à la fois brumeux et marécageux, on découvre un indien accroupi et aux aguets. L’histoire est composée d’environ soixante-dix pages. A celle-ci s’ajoute une grosse vingtaine de pages qui nous présente les recherches graphiques de l’auteur. C’est une découverte remarquable. En parlant d’auteur, je vous informe qu’il s’agit de Patrick Prugne. Je découvre ici son travail. Je ne vous cache pas que je ne regrette pas le voyage. Cet opus est édité par la Galerie Daniel Maghen. 

« Nous allions à Saint-Louis, petite ville sur les rives du Mississippi. Là-bas nous attendait un bateau qui devrait remonter le Missouri et explorer les immenses territoires de l’Ouest. » Voilà quelques mots qui accompagnent la quatrième de couverture. Mais l’histoire commence en Normandie dans un petit village. On est au début du dix-neuvième siècle. Les sergents recruteurs sillonnent le pays pour former l’armée du consul Bonaparte. Alban a la chance d’être exempté, ce qui n’est pas le cas de Louis, son ami, qui se trouve embrigadé. Mais le père de ce dernier décide d’acheter la libération de son fils et cela se fait au détriment d’Alban qui se trouve ainsi embarqué pour le Nouveau Monde. Mais les choses empirent quand ils se trouvent poursuivis sur place par tous les chasseurs de prime suite à un événement malheureux. Il n’est aidé que par Toussaint qui connait par cœur cette forêt, habitée par des indiens pas forcément accueillants…

Une riche galerie de personnages.

Cet album est une histoire bien construite. Sa trame est échaudée de manière très structurée. Elle ne possède aucun temps mort. Mais cela n’oblige pas pour autant l’auteur à aller plus vite que la musique. Prugne prend son temps pour noyer Alban dans cette forêt sans fin. Son immersion dans cette dernière est une suite logique d’événements qui construisent parallèlement une riche galerie de personnages. Qu’ils soient centraux ou secondaires, tous possèdent une épaisseur et occupent une place importante dans l’histoire. Je ne vous les listerai pas car le plaisir réside en grande partie dans le fait de les rencontrer et de les découvrir au fur et à mesure que les pages défilent. De plus, leurs interactions sont également riches et créent à la fois des moments touchants et des moments de malaise. Une chose est sûre, à aucun moment, nos émotions sont au repos.  

La lecture de « Frechman » ne laisse pas indifférent sur plusieurs aspects. Le premier est le fait que les personnages soient loin d’être fades. Ils ne nous laissent pas indifférents. On n’est pas dans le monde des Bisounours. La violence, la dureté, la saleté de certaines personnes génèrent des monstres dans des styles très différents. Parallèlement, certains autres font naître l’empathie ou la sympathie sans chercher à la générer. Cela a pour conséquence de nous captiver complètement pour leur devenir. De plus, le propos est rude et on n’a aucune garantie d’obtenir une fin heureuse. Le deuxième aspect attrayant de l’album est son dépaysement. Cette immersion dans le Nouveau Monde il y a deux cents ans est remarquable. On y croit dès la première case. On y est bien, on s’y enfonce. On ne quitte jamais les lieux et une fois la lecture terminée, on reste habité par cette atmosphère.

Au-delà d’un scénario bien construit, dense et captivant, « Frenchman » nous offre des illustrations splendides. Je n’ai pas souvenir d’être tombé autant sous le charme de dessins. Chaque case mériterait de devenir un tableau que j’afficherai sur mes murs. Le trait de Prugne est impressionnant et son travail à l’aquarelle offre de véritables chefs d’œuvres à nos yeux. Notre fuite en forêt est un voyage envoûtant d’une rare intensité. Et son talent ne s’arrête pas aux décors. Les personnages sont des œuvres d’art également. Je suis sous le charme du travail de cet auteur et j’ai vraiment hâte de découvrir d’autres de ses productions.

En conclusion, « Frenchman » est un album que je ne suis pas prêt d’oublier. Il est remarquable dans tous ses aspects. Il s’agit d’un ouvrage d’une qualité rare. Je ne peux que vous inciter à vous l’offrir. Vous ne regretterez pas le voyage. De mon côté, je ne vais pas tarder à m’offrir « Canoe Bae » sur lequel il a travaillé antérieurement. J’ai hâte de m’y plonger. Mais cela est une autre histoire…