Plus qu’un autre, et pas seulement en raison du nombre des
victimes, l’incendie du Bazar de la Charité, le 4 mai 1897 à Paris, a frappé
l’imagination : parmi la bonne centaine de corps identifiés se trouvaient
ceux d’un grand nombre de femmes de la bonne société, au premier rang
desquelles la duchesse d’Alençon. La plupart étaient là pour leurs bonnes
œuvres, occupation habituelle des épouses dans une classe sociale où, bien
entendu, elles ne travaillent pas. Une participation au Bazar de la Charité est
un signe de supériorité et certaines intriguent pour y trouver une place. Elles
sont chères, il y a plus d’appelées que d’élues. Violaine de Raezal et Constance d’Estingel ont
toutes les raisons de se réjouir de l’invitation que leur a faite la duchesse
d’Alençon. Son comptoir, où elles lui tiennent compagnie, est le plus en vue…
Quand une odeur de fumée surgit à l’intérieur du bâtiment en
bois qui abrite l’événement mondain, Gaëlle Nohant a eu le temps d’installer
les personnages de son roman. Si La part des flammes repose, comme moment le plus intense du récit, sur l’incendie,
le drame lui-même et ses conséquences dans la vie privée des victimes, de leurs
familles, il n’est pas un roman-catastrophe. Au contraire des films du genre
(d’un genre paresseux) où la fureur des éléments – au choix, l’un des
quatre : eau, terre, feu, air – va croissant pendant la plus grande partie
et ne s’éteint qu’à la fin, au moment du bilan, La part des flammes tire son charme, auquel ont succombé déjà
beaucoup de lectrices et de lecteurs, d’une trame plus serrée.
Les sentiments y occupent une belle place. Le jeune
journaliste Laszlo de Nérac, étoile montante de la presse grâce à son talent et
son audace, est amoureux de Constance d’Estingel qui, après lui avoir laissé
entrevoir des espérances, se refuse pourtant au mariage et rompt leurs
fiançailles. Après l’incendie, Laszlo reste attaché à une femme qui se cache
pour soigner ses blessures. Tandis que la vie continue et qu’il est accusé
d’avoir eu un comportement de lâche au Bazar de la Charité, d’où un duel dans
les règles, avec pour adversaire Armand de Raezal, le beau-fils de Violaine.
Les deux femmes présentes au comptoir de la duchesse d’Alençon se trouvent
ainsi liées, bien que dans des positions très différentes, à Laszlo de Nérac.
Tableau d’une époque, d’une société, La part des flammes nous fait entrer chez les puissants comme chez
les faibles, dans les maisons de maître et les quartiers déshérités. Tous les
personnages ont leurs grandeurs et leurs faiblesses, la romancière les
répartissant habilement pour infléchir leurs relations dans des sens parfois
inattendus.
Le livre de Gaëlle Nohant a un parfum venu du temps où il se déroule,
jusque dans l’écriture adaptée aux aspects les plus saisissants d’un roman
historique. Qui sent le brûlé, c’est somme toute assez normal.