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« Les jeunes Algériens ont une volonté forte d’entreprendre »

Publié le 11 mars 2016 par Pnordey @latelier

Comment l'écosystème entrepreneurial algérien se développe-t-il malgré un retard technologique et numérique important ? Entretien avec Karim Embarek, directeur général de Xmedia et fondateur du salon Algeria 2.0.

En Afrique, la fracture du numérique est considérable. Les hommes, au demeurant riches, jeunes et urbains, ont en moyenne plus de chance d’accéder à internet et de posséder des outils numériques. Il en est de même en Algérie où le pays manque cruellement d’infrastructures – datacenters, services de cloud – et améliore, comme elle peut, celles qui permettent l’accès au web. De petits pas qui vont dans le sens d’une modernisation permettant l’émergence discrète des startups.

Pour en savoir plus sur cet écosystème fragile mais qui peut néanmoins compter sur ses pépites – ses jeunes, représentant 70% de la population – nous avons rencontré Karim Embarek. Electronicien de formation, communiquant, mais surtout entrepreneur, il organise depuis cinq ans Algeria 2.0, un forum qui laisse la parole aux startuppers de toute l’Afrique francophone. Il offre ici un décryptage doux-amer d’une Algérie entrepreneuriale qu’il aime, mais qui a encore bien du chemin devant elle.

« Les jeunes Algériens ont une volonté forte d’entreprendre »

Voyez-vous une volonté forte d’entreprendre chez les jeunes Algériens ?

Bien sûr, je le vois tous les jours ! Dans toutes les universités vous trouvez des clubs scientifiques. Ces mêmes clubs organisent des rencontres de formation et de perfectionnement dans leurs domaines. A côté de leur diplôme, les étudiants peuvent bénéficier aussi d’une formation entrepreneuriale. Lors des événements comme Algeria 2.0, on leur apprend à travailler en groupe et à créer une startup, on les initie au marketing, à faire un business plan, etc. Si je pouvais donner une note à ces jeunes, ce serait 10 sur 10 ! Mais l’écosystème actuel entrave l’aboutissement de leurs entreprises. Il ne leur suffit pas d’avoir du courage et de la volonté pour que leurs idées se concrétisent.

Qu’est-ce qui freine la dynamique entrepreneuriale ?

Dans le domaine des TIC et des métiers du web, je dirais que c’est l’absence de possibilités de paiement en ligne. On ne peut pas aspirer à une économie numérique sans qu’il y ait un business derrière. Aussi en Algérie, on propose une panoplie de services et de produits intéressants, mais il est tellement compliqué de vendre à l’étranger que ça peut faire fuir des clients. On privilégie donc le niveau local, même si il reste un vrai travail de vulgarisation à faire envers les PME-PMI.

Enfin, je pense que l’écosystème lui-même n’est pas encore au point. Je le compare toujours à une recette de cuisine. On a beau respecter les mêmes dosages, un plat très épicé sera follement apprécié en Inde mais convaincra beaucoup moins les Algériens, qui mangent peu piquant. Il faut donc tester les dosages jusqu’à arriver au parfait équilibre pour l’Algérie. Et ce jour-là, je vous assure qu’il y aura un boom non seulement technologique, mais aussi entrepreneurial !

Comment fonctionnent les aides financières de l’Etat ?

Les startups se distinguent des autres sociétés par leur capacité à croître très rapidement. Les modèles de financement algériens sont déjà trop longs pour les entreprises classiques, alors imaginez pour les jeunes pousses… Il y a tout de même plusieurs fonds de financement dans le pays comme l’ANSEJ, le CNAC et d’autres, mais le souci, c’est leur lenteur administrative. J’ai vu des startups attendre deux ans pour l’octroi de leurs financements via l’ANSEJ, deux ans pour pouvoir concrétiser leur projet et commencer à travailler. Et si au début vous aviez une idée innovante, je peux vous assurer qu’après ce laps de temps elle est devenue obsolète et que votre business plan est à revoir.

Et les incubateurs ?

Il existe une agence qui gère les incubateurs à travers le pays : l’Agence Nationale de Promotion et de Développement des Parcs Technologiques (ANPT). En ce moment, elle mène des actions pour lancer des incubateurs dans l’enceinte même des universités. Elle permet aussi d’offrir un accompagnement – coaching, formation gratuite – l’hébergement des entreprises et des startups à un prix très étudié, ainsi que l’aide à des porteurs de projets. Ces derniers temps, on voit apparaître des espaces de coworking comme The Address (ouvert en février 2016 à Alger – ndlr), mais à ce jour, aucun accélérateur.

« Les jeunes Algériens ont une volonté forte d’entreprendre »

The Address Coworking Space, Alger. Crédit: The Address

Comment concevoir l’innovation face à un tel retard technologique ?

Tout le monde parle aujourd’hui d’innovation en Algérie, alors que la plupart des gens travaillent avec des méthodes des années 80. Pour parler d’innovation, il faudrait que le pays se mette d’abord au diapason de ce qui se fait ailleurs, comme par exemple, avoir des centres de R&D performants. Il y a un mois, madame la Ministre (Houda-Imane Faraoun, Ministre de la Poste et des TIC – ndlr) a d’ailleurs inauguré le CERTIC (Centre d’Etudes et de Recherches des Technologies de l’Information et de la Communication – ndlr) dans la wilaya d’El Borj. Il héberge les plus grandes entreprises du secteur.

Avec plus d’efforts, je suis convaincu que l’Algérie sera le leader africain des technologies et des services à l’horizon 2020.


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