La séduction de l’interdit.
Pas tant l’interdit que la société lui impose mais celui qu’il s’est imposé à lui-même.Pourtant sa nature ne tarde jamais à reprendre le dessus.Dans l’une de mes histoires favorites des Yeux a vif (Echo Avenue), un couple découvre qu’en face de chez eux, un nouveau couple s’est installé. Il n’y a pas encore de rideaux aux fenêtres. Ils profitent donc d'une vue privilégiée sur leur intimité. Ils les surprennent en plein jeu sexuel bizarre. Amusés, ils éteignent les lumières pour pouvoir profiter du spectacle en toute discrétion. Mais une fois que le "spectacle" s’achève, le mari panique soudain, pressant sa femme de s’éloigner de la fenêtre. L’excitation du voyeur s’est muée en angoisse d’être observé. Comme si avoir cédé à la transgression les exposait à une forme de tribut.On y trouve aussi une caractéristique des histoires d’Adrian Tomine, qui s’achève souvent sur fin ouverte. Il n’y a pas de résolution. Les personnages se retrouvent face à un choix, une croisée des chemins. Quelle sera leur vie par la suite ? Tomine ne donne jamais de réponse claire. Il laisse des indications qui peuvent induire une discussion. Mais souvent, cette fin ouverte apparaît comme le moment ou Tomine baisse le rideau sur son petit théâtre, rendant leur liberté aux personnages.D’une certaine manière, Tomine capture ses personnages, les exposent à une épreuve, avant de leur rendre la liberté aussi brusquement qu’il les leur a enlevé. Il persiste d’ailleurs une froideur chez Tomine, qui ne semble pas éprouver beaucoup d’empathie pour ses personnages.
Il ne les juge pas, ne les plaint pas.
Il les observe.
Et nous invite à observer avec lui.
Qu’essaye de nous dire Adrian Tomine ?
Essaye-t-il de nous dire quelque chose ?
Se contente-t-il d’observer ?Dans Escapade Hawaïenne (issu de Blonde Platine), il laisse Hillary Chan qui attend si l’homme qu’elle vient de rencontrer la rejoindra ou non. Dans Killing and Dying, il abandonne un père et sa fille au moment ou plus aucun mensonge n’est possible, mais qu’ils ne semblent pourtant pas prêts à cesser de se mentir pour maintenir je ne sais quelle illusion. Dans Echo Ave, il abandonne ce couple de voyeurs à une brusque montée d’angoisse…Rien ne se résout jamais chez Tomine. Cette constante se maintient depuis les premiers récits. L’évolution ce fait par contre dans la forme. Des premiers récits très courts et parfois marqués par une ambiance irréelle, au style graphique assez uniforme, Tomine a évolué vers des récits plus longs et expérimentant de plus en plus dans la forme.
Escapade Hawaïenne, extrait de Blonde Platine
Les quatre récits composant Blonde Platine sont tous assez semblables dans leur structure et leur graphisme, très classiques.
Translated, From the Japanese
Par contre, Tomine se fait très subtile dans sa narration, distillant de petits détails plus révélateurs qu’il ne paraissent de prime abord.
Killing and Dying
Beaucoup de subtilité chez Adrian Tomine, qui en fait un auteur vraiment intéressant.