Que devrait faire l'agriculture pour mieux respecter le climat ? C'était la question posée par le ministère de l'Agriculture et feu celui de l'écologie à l'Institut national de le recherche agronomique (INRA). L'institut a fait ses recommandations dans lesquelles " la bio s'inscrit pleinement ", souligne l'Agence bio.
Voici les cinq points forts de l'agriculture biologique en matière de climat.
1/ Les engrais chimiques sont interdits en agriculture biologique. C'est un très bon point pour le climat. Car ces engrais sont source d'émissions importantes de gaz à effet de serre. Leur fabrication, à base de pétrole et de gaz, émet beaucoup de CO2. Une fois épandus dans les champs, ces engrais relarguent du protoxyde d'azote dans l'atmosphère, un gaz à effet de serre environ 300 fois plus réchauffant que le CO2.
A savoir : Le prix Nobel de chimie Paul Crutzen estime que les émissions de protoxyde d'azote agricoles ont été sous-estimées. Le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) a évalué le "taux de conversion" de l'azote des engrais en protoxyde d'azote à environ 1 %. Selon Paul Crutzen, ce taux est plus vraisemblablement situé entre 3 % et 5 % (étude publiée dans la revue Atmospheric chemistry and physics discussions en 2007).
Que fait l'agriculture biologique ? Elle recycle la matière organique (les déchets végétaux, les effluents d'élevage...) en fertilisants. L'azote nécessaire à la croissance des plantes, elle la fait produire par des légumineuses à la place des engrais. Ces plantes puisent l'azote de l'air et la fixent dans le sol. Ainsi, après une culture de légumineuses, le sol est assez riche pour cultiver des céréales. De plus, elles sont consommables par les animaux et les hommes (pois, fèves, lupins...).
2/ En matière d'élevage, l'agriculture biologique est également plus performante. Elle privilégie l'élevage en plein air sur des prairies qui stockent du CO2 dans les sols, entre 500 et 1200 kg de carbone par hectare, 1000 kg en moyenne. Les prairies bio permanentes (celles qui ne sont pas labourées) font mieux encore. D'autre part, une bonne partie des aliments pour les animaux provient de l'exploitation ou de ses environs proches. En élevage bovin par exemple, 60% des aliments proviennent de la ferme. Ce qui évite de les importer d'autres continents et économise du carburant. Enfin, l'élevage biologique est extensif et nécessite pas ou peu de chauffage.
3/ Autre pratique exemplaire : les sols sont moins labourés, de ce fait ils retiennent plus de CO2. Les sols bio ne restent jamais nus. Entre les cultures, des végétaux de couverture captent du CO2. Ces " inter-cultures " deviennent ensuite un engrais naturel ou sont consommées, souvent par les animaux. Du fait des soins prodigués aux sols cultivés en bio, ces derniers contiennent en moyenne 0,2% de carbone en plus. Plus riches en matière organique du fait des apports en compost et autres fertilisants naturels, ils retiennent davantage l'eau de pluie et limitent le ruissellement.
4/ Les agriculteurs biologiques entretiennent et protège les talus, les haies et les arbres qui consomment du CO2 et qui servent également d'habitat aux insectes utiles et aux oiseaux. Ils développent l'agroforesterie, c'est-à-dire qu'ils plantent et entretiennent des arbres sur les terres cultivées. L'agriculture conventionnelle au contraire ne cesse de les faire disparaître depuis la révolution verte de l'après-guerre, d'abord pour remembrer les terres agricoles puis pour manoeuvrer des engins toujours plus gros, équipés de pulvérisateurs à rampes toujours plus larges. Il suffit de regarder la campagne pour s'en apercevoir.
5/ " La question de la responsabilité environnementale et de l'atténuation du changement climatique est également au coeur des préoccupations des transformateurs bio ", observe l'Agence bio. Au delà de leur cahier des charges, beaucoup d'entre eux multiplient les efforts pour réduire leur empreinte écologique à travers l'éco-conception des produits, des emballages et des machines. Ils cherchent à optimiser leur consommation d'énergie et recourent aux énergies renouvelables. Ils pratiquent les " bilans carbone " et mettent en place des mesures pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre tout au long de la chaine de production.
Alors que l'Organisation météorologique mondiale (OMM) vient d'annoncer que l'année 2015 a été la plus chaude jamais enregistrée (les températures ont dépassé d'environ 1 °C celles de la période préindustrielle), le développement de agriculture biologique doit ainsi plus que jamais être favorisé.
Anne-Françoise Roger
Voir le dossier de l'Agence Bio : L'agriculture biologique : un atout pour le climat