La proposition de loi de la députée écologiste Brigitte Allain "visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation" avait été adoptée en première lecture le 14 janvier à l'Assemblée nationale. Selon le texte, les repas des restaurants publics (cantines scolaires, hôpitaux et maisons de retraite, etc) devaient inclure 40% de produits sous signes de qualité ou d'origine dont 20% de produits bio, achetés en circuits courts (lire la proposition de loi adoptée par l'Assemblée Nationale).
Malgré la très forte mobilisation citoyenne pour soutenir cette proposition de loi visant à imposer les produits bio et locaux dans les cantines (la pétition initiée par Agir pour l'Environnement a recueillie plus de 115 000 signatures en quelques jours), les Sénateurs ont dit non ! Pour eux, les produits bio n'ont pas leur place en restauration collective publique.
Stéphen Kerckhove, délégué général d'Agir pour l'Environnement, a vivement réagi à cette très mauvaise nouvelle dans une Tribune que voici :
Nous nous sommes pleinement engagés dans ce combat ; avec le secret espoir de faire bouger les lignes et convaincre sénateurs et sénatrices du bien-fondé des mesures portées par les acteurs de la société civile, paysans bio et écologistes en tête. La déception, la colère mais aussi le doute ou l'espoir sont quelques-uns des sentiments qui nous assaillent depuis ce vote sénatorial.
INCRÉDULITÉ tout d'abord, sidération ensuite à l'écoute de ces multiples monologues assénés avec la certitude de grands élus dont la suffisance tient souvent lieu d'arguments définitifs ;
TRISTESSE également en pensant à ces millions d'enfants, de malades ou de personnes âgées qui continueront à " déguster " une nourriture bourrée de pesticides et de piètre qualité gustative ;
DÉCOURAGEMENT en constatant que le peuple est perçu comme un inconfort passager par des sénateurs oubliant trop facilement que les repas servis à la cantoche du sénat ne sont pas exactement ce que mange tous les jours le bas peuple...
DOUTE aussi en mesurant le fossé séparant des sénateurs qui usent et abusent d'une légitimité élective indirecte et des citoyens qui ont manifestement une planète d'avance sur des élus momifiés et baignant dans le confort suave du Sénat ;
AMERTUME de ne pas avoir réussi à être compris, de ne pas avoir réussi à être entendu par celles et ceux qui sont supposés nous représenter, de ne pas avoir réussi à transformer l'essai de l'Assemblée nationale dont le vote à l'unanimité laissait pourtant présager une issue favorable ;
HONTE d'être encore représenté par des élus qui vivent le Sénat comme un " huit-clos " exclusif, finalement peu au fait des enjeux écologiques et vivant avec l'ambition de faire revivre les trente glorieuses de leur jeunesse ;
COLÈRE en constatant l'immense désespoir d'un monde paysan en crise à qui il n'est proposé que fuite en avant et compétition internationale alors même que l'afflux d'agriculteurs conventionnels vers la bio ne cesse de progresser de jour en jour ;
ACRIMONIE en mesurant le temps perdu en conciliabules inutiles visant à convaincre une oligarchie qui n'a que faire de la qualité des aliments servis dans une cantine scolaire ou dans un restaurant d'hôpital, qui se fiche royalement de l'avenir de ces paysans, qui se gausse de ces lubies d'écolo et qui préfère l'entre soi et les certitudes éculées ;
ESPOIR malgré tout en écoutant ces milliers de voix, qui localement s'engagent sans arrière-pensée, changeant le monde sans attendre qu'un sénateur ne découvre le caractère éminemment émancipateur d'une agriculture de proximité, biologique et de saison ;
ESPOIR toujours en vivant ces utopies concrètes qui fleurissent à Barjac, à Mouans-Sartoux, à Grand Synthe, à Lons Le Saulnier, à Paris, à Versailles et dans ces centaines de communes qui servent déjà des repas biologiques tout en réduisant, voir supprimant complètement le recours aux pesticides.
ESPOIR enfin car le vieux monde est derrière nous. Les AMAP, les incroyables comestibles, les discos-soupes, l'agriculture urbaine, l'explosion des ventes de produits biologiques produits localement sont autant d'indicateurs encourageant d'une révolution silencieuse mais déterminée qui ne pourra qu'emporter ces conservateurs bouffis d'a prioriidiologiques.
Le rejet, par les sénateurs, de ce seuil de 20 % d'aliments bios en restauration collective n'est finalement qu'un épiphénomène, le râle d'un monde qui se meurt. La démocratie réelle est en train de prendre le pas sur ces artifices et faux-semblants démocratiques. Avec la constance et la détermination de celles et ceux qui ont la certitude que le productivisme agricole vit ses dernières heures, que notre avenir mérite mieux que des antibiotiques, des fermes-usines, des pesticides, de la souffrance animale, mal-être professionnel et malbouffe généralisée, nous continuerons à nous engager sans faillir ni faiblir pour une planète vivable.
Une Tribune à retrouver sur le site www.agirpourlenvironnement.org