On associe fréquemment la flûte de Pan à l’Amérique du Sud : nous avons tous entendu dans les couloirs du métro, à la radio ou sur les marchés, des groupes folkloriques « péruviens » interprétant de la world music, à grand renfort de synthétiseur et de bonnets en laine d’alpaga fabriqués en Chine. El cóndor pasa est devenu un grand classique : la chanson, écrite au début du XXe siècle, est désormais considérée comme Patrimoine Culturel de la Nation au Pérou. Simon et Garfunkel en ont fait un tube mondial, il y a déjà près de 50 ans.
En réalité, la flûte de Pan est universelle… et très ancienne. En effet, la simplicité (apparente) de sa fabrication en fait l’un des tous premiers instruments de musique de l’histoire de l’humanité. Pour un homme du Néolithique, souffler dans un roseau semblait certainement tout aussi naturel que souffler dans une canette de bière à moitié remplie pour un étudiant éthylique.
Quelques siècles plus tard, les grecs associeront la flûte au dieu Pan, dont elle est un attribut, avec les cornes et les pattes de bouc. On a d’ailleurs retrouvé plusieurs statues antiques présentant une flûte dite « de Pan ».
Aujourd’hui, vous allez (re)découvrir une flûte de Pan originaire d’Europe de l’Est, et plus précisément de Roumanie : le naï roumain.
La présence de flûtes polycalames (c’est le mot savant pour dire qu’il y a plusieurs tuyaux) en Roumanie est attestée depuis au moins 2000 ans : on a retrouvé un sarcophage romain en Petite Valachie représentant un Eros jouant de ce type de flûte.
A l’origine, c’est un instrument plutôt sommaire, avec un nombre réduit de tuyaux : peut-être cinq ou six, ne permettant pas de jouer de mélodies complexes. Au fur et à mesure des siècles, le naï va voir le nombre de ses tuyaux augmenter, pour atteindre désormais une vingtaine.
La grande qualité du naï est son immense expressivité. Toute la palette des émotions humaines peut être figurée. J’ai en mémoire un vieux disque vinyle sur les flûtes roumaines où l’instrumentiste exprimait de manière très réaliste les sanglots de l’épouse abandonnée (ou veuve je ne me souviens plus), rendant la pièce particulièrement poignante. D’autres pièces sont d’une vivacité nécessitant une grande dextérité de la part du flûtiste. Evidemment, il faut une maîtrise parfaite de l’instrument, qui s’acquiert après des années de travail.
Un seul bémol : certains joueurs de naï se laissent tenter par la musique ethnique, assez insipide il faut l’avouer. On se croirait dans un ascenseur ou dans un salon de relaxation… Dommage car cet instrument est à découvrir et apprécier.
Un dernier pour la route !