C'est le début de l'été.Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs rentrent de l'école en jouant avec des garçons et déclenchent un scandale aux conséquences inattendues.La maison familiale se transforme progressivement en prison, les cours de pratiques ménagères remplacent l'école et les mariages commencent à s'arranger.Les cinq sœurs, animées par un même désir de liberté, détournent les limites qui leur sont imposées.
La liste des films à l'affiche que j'aimerais voir s'allonge de semaine en semaine. En tête il y avait Mustang, à voir avant qu'il ne disparaisse des salles obscures. Le film, primé par les César, traite d'un thème qui me semble important et les critiques à son encontre ne pouvaient que donner envie de le voir."
Elles sont soeurs, elles sont cinq. A première vue elle ne manquent de rien. Elles sont scolarisées, elles sont heureuses, joyeuses, pleines de vie, d'une beauté ahurissante. Elles vivent dans une grande maison, avec leur grand-mère. Elles ne semblent manquer de rien....jusqu'au jour où leur liberté alimente les commérages de voisinage.
Comme le dit très simplement la phrase qui lance le film : Tout allait très bien et puis, d'un coup, ça a été la merde.
Élevées par leur grand-mère suite au décès de leur deux parents, les cinq soeurs ont vécu sans avoir à se soucier du quand dira t-on, elles ont été préservées afin de leur rendre la vie plus douce, elles qui sont orphelines. Mais elles ont grandi et avec leur âge, leurs formes et leur caractères se sont développées. Ce qui était sans importance chez une petite fille de 5 ans devient à 15 source de tous les maux, d'insultes et d'accusation. Elles seraient impures, salies... Démarre alors leur calvaire. Cette liberté qui leur était si chère devra être enterrée.
Plus le film avance plus la moindre parcelle d'autonomie leur est retirée et avec elle, leur joie de vivre.
Terminé l'école, terminé les copines et les copains, terminé la plage, terminé les rires.
C'est sous le regard de la plus jeune, Lale, jeune pré adolescente à la fois rebelle et sensible que le spectateur vit le calvaire des cinq filles. Elle, qui n'a pas encore l'âge de réellement penser aux garçons mais qui rêve d'assister à un match de foot, qui tourne comme un lion en cage dans cette maison familiale qui prend des allures de prison au fur et à mesure de leur tentatives d'émancipation.
Mais elles ne lâchent rien. On veut les enfermer ? les faire entrer dans le moule de la tradition ? Elles useront de tous les stratagèmes pour en sortir. Elles n'ont peur de rien et seul le respect qu'elles ont pour leur grand-mère ne les fait pas chavirer dans une rébellion totale.
Tout leur est confisqué : vêtements à la mode, bijoux, ordinateur, téléphone... Les voilà à l'école des bonnes épouses, avec cours de cuisine et de couture au programme. Car comment stopper net la course folle de ces cinq amazones ? En les mariant, évidemment ! Peu importe leur âge, peu importe qu'elles en aient envie ou pas, il faut les marier, les faire entrer dans le rang.
Si deux d'entre elles, les plus âgées, acceptent leur sort sans trop se rebeller (la première ayant même la chance de se marier avec le jeune homme qu'elle aime), la suite de l'histoire n'en sera que plus tragique. Plus le film avance et plus ces cinq chevaux fougueux sont relégués au rang d'objets, devant oublier tout ce qui les anime. Étouffées par la tradition, le pouvoir des hommes, de la famille et de la morale.
Le film traite d'un sujet on ne peut plus sérieux qui en ce lendemain de Journée des droits de la femme ne doit pas être pris à la légère. Pourtant, dans toute la première partie du film c'est avec un sourire aux lèvres que le spectateur découvre l'insatiable fougue des jeunes filles. L'émotion qui suit ne fait que monter progressivement au fur et à mesure que leurs libertés sont étouffées.
Au delà ce tout cela, c'est un film absolument magnifique dont la plupart des plans sont d'un grand esthétisme. La manière dont sont filmées les cinq soeurs, très près, avec une grande importance donnée au regard les rend encore plus belles. C'est cette beauté, pure, sans artifice, incroyable qui m'a le plus marquée. Elles sont d'une beauté rare. La musique du film elle aussi participe à ce sentiment d'éclat.
Cette histoire pose évidemment la question de la place de la femme dans la société, comment en 2016 nos droits peuvent-ils encore être à ce point bafoués ? Quelle place pour la femme turque ? ...
Je voulais raconter ce que cela représente d'être une femme aujourd'hui en Turquie, dit la réalisatrice. Le pays a toujours été partagé entre deux courants, l'un progressiste, l'autre rétrograde, mais depuis quelques années le second s'impose. Chaque semaine, des types de l'AKP font des déclarations odieuses sur les femmes, qui contribuent à polluer les esprits. Ils nous obligent à nous cacher, à nous taire, à avoir honte. "
Un film on ne peut plus ancré dans la réalité.