Sorti le 16 octobre dernier, directement en DVD, The Green Inferno d’Eli Roth, ne bénéficiera pas d’une sortie digne de ce nom en France. Seulement aura-t-il été projeté dans quelques obscurs festivals d’amateur de sensations fortes et d’épopées fantastiques. C’est grâce au magazine Mad Movies, une fois n’est pas coutume, que ce projet hommage au bis italien, viendra fouler la terre hexagonale. Pas si gore que cela mais politiquement incorrect, The Green Inferno confronte les ONG à leur contradiction en leur faisant passer un sacré mauvais quart d’heure. On allait pas rater ça.
Justine (Lorenza Izzo) est une étudiante lambda d’un campus new-yorkais. Dans l’optique de séduire Alejandro (Ariel Levy), un activiste écologiste, elle rejoint son groupe. Ceux-ci s’apprêtent à faire un coup d’éclat en dénonçant sur place, les activités de déboisages intensive d’une multinationale installée dans la forêt amazonienne.
Usant du même marketing que le firent ses aïeuls des années 1980, Eli Roth a bien entendu vendu The Green Inferno comme une plongée éprouvante et dérangeante dans l’enfer d’une tribu anthropophage. Pourtant, une longue première partie, sûrement pour rentrer dans le budget minime, est filmée sur un campus où deux amies un brin nunuches, discutent de banalité, et affligent le public de leur mépris crasse envers toute forme d’engagement politique. Pendant ce temps-là, les écolos s’agitent dans des manifestations à dix en brassant beaucoup de vent. On est alors happé par les discours abscons comme si l’on s’était égaré devant un épisode d’Amour, Gloire et Beauté. Ce traitement très télévisuel laisse peu à peu la place à un discours militant plus concret. Les écolos en culotte courte compte bien laisser la théorie au placard pour aller se frotter à la réalité. La seconde partie du long-métrage glisse vers un style documentaire dont l’effet authentique est garanti. Eli Roth s’est d’ailleurs offert les services d’une véritable tribu amazonienne pour jouer le rôle de ces derniers. Contrairement à Ruggero Deodato et de son Cannibal Holocaust dont il s’est largement inspiré, il abandonne l’idée d’utiliser le found-footage comme mise en abyme. Une idée salutaire qui nous épargne bien des maux de têtes et des contrariétés. Les séquences les plus gores et les plus sanglantes où les indigènes cuisinent leurs prisonniers sont filmées sans filtre et sans détourner la caméra. Comme un documentaire, The Green Inferno nous offre à voir des scènes de la vie quotidienne. En voilà de l’authenticité que vont vivre les héros malheureux de l’aventure !
C’est que, si Roth dénonce les agissements des multinationales, montrant ce que l’on nous montre rarement en Occident, à savoir que les grands consortiums deviennent de plus en plus paramilitaires, n’hésitant pas à faire justice eux-mêmes avec l’appui de gouvernements corrompus, il n’hésite pas à souligner l’hypocrisie de certaines ONG qui, une fois à la recherche de financement, abandonne toute éthique. Et c’est d’ailleurs pour cela qu’il leur fait passer un sacré mauvais quart d’heure. C’est qu’Alejandro n’en a que faire de la tribu d’indien qu’il prétend soutenir en agissant contre la multinationale. Armant son équipe de smartphone, il veut avant tout faire un coup de communication. Rien d’autre. Pour engranger les dons grâce à une popularité grandissante et un buzz sur les réseaux sociaux. The Green Inferno résonne comme une farce pas si grotesque que cela lorsque l’on voit que la COP21 a regroupé les plus gros pollueurs de la planète et les ONG les plus en vus pour parvenir à déployer un véritable écran de fumée. On sait aussi comment les dons des particuliers sont très souvent passés en pertes et profits, en frais de fonctionnement plus ou moins justifiés, plutôt que dans des actions concrètes. Et puis, finalement, qu’est-ce qui se passe dans The Green Inferno ? Eh bien, ce sont les peuples menacés qui prennent eux-mêmes leur destin en main en faisant front à la fois face à l’invasion culturelle des multinationales et au néo-paternalisme feutré de l’ONG. Ils proposent une troisième voix, certes sanguinolente mais salvatrice ! The Green Inferno ne se limite pas donc à donner au spectateur sa dose de terreur mais, dans la grande tradition du film de genre, s’offre le luxe d’une lecture au second degré. Hormis quelques scènes très naturalistes, la plupart des décès sont d’ailleurs si ridicules qu’ils déclenchent le rire bien plus que la frayeur.
Disponible également en VOD, nous ne pouvons que conseiller à nos lecteurs de jeter un œil à ce que beaucoup considéreront comme un ovni filmique mais que nous avons d’or et déjà classé sur notre étagère parmi les classiques. Une de chroniqueuse a néanmoins tournée de l’œil, The Green Inferno est donc, en désespoir de cause, à déconseiller aux âmes les plus sensibles.
Boeringer Rémy
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