Attitude révolutionnaire pour l'époque. Révolution qui d'ailleurs ne la laissa pas indifférente. Mais que c'était difficile dans cet univers misogyne qui ne reconnaissait qu'aux hommes le droit de vote et d'exercice du pouvoir, et qui d'ailleurs ne s'étaient intéressés qu'ŕ leurs droits. Elle devait d'ailleurs en perdre la tęte par un matin froid et humide du mois de novembre 1793.
Entre-temps, en 1791, elle avait eu le temps de rédiger et de publier une "Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne", affirmant que celle-ci avait les męmes droits que celui-lŕ :
Préambule
Les mčres, les filles, les soeurs, représentantes de la Nation, demandent ŕ ętre constituées en Assemblée nationale. Considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaltérables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration constamment présente ŕ tous les membres du corps social leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes et ceux du pouvoir des hommes, pouvant ętre ŕ chaque instant comparés avec le but de toute institution politique en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, des bonnes moeurs et au bonheur de tous. En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage dans les souffrances maternelles reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Ętre supręme, les droits suivants de la femme et de la citoyenne :
Article 1 La femme naît libre et demeure égale ŕ l'homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent ętre fondées que sur l'utilité commune.
Article 2 Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la femme et de l'homme. Ces droits sont : la liberté, la prospérité, la sűreté et surtout la résistance ŕ l'oppression.
Article 3 Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n'est que la réunion de la femme et de l'homme ; nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.
Article 4 La liberté et la justice consistent ŕ rendre tout ce qui appartient ŕ autrui ; ainsi l'exercice des droits naturels de la femme n'a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l'homme lui oppose ; ces bornes doivent ętre réformées par les lois de la nature et de la raison.
Article 5 Les lois de la nature et de la raison défendent toutes actions nuisibles ŕ la société ; tout ce qui n'est pas défendu par ces lois sages et divines ne peut ętre empęché, et nul ne peut ętre contraint ŕ faire ce qu'elles n'ordonnent pas.
Article 6 La loi doit ętre l'expression de la volonté générale : toutes les citoyennes et citoyens doivent concourir personnellement ou par leurs représentants ŕ sa formation ; elle doit ętre la męme pour tous ; toutes les citoyennes et citoyens étant égaux ŕ ses yeux doivent ętre également admissibles ŕ toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.
Article 7 Nulle femme n'est exceptée ; elle est accusée, arrętée, et détenue dans les cas déterminés par la loi : les femmes obéissent comme les hommes ŕ cette loi rigoureuse.
Article 8 La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nulle ne peut ętre punie qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée aux femmes.
Article 9 Toute femme étant déclarée coupable, toute rigueur est exercée par la loi.
Article 10 Nul ne doit ętre inquiété pour ses opinions męme fondamentales ; la femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit également avoir celui de monter ŕ la tribune, pourvu que ses manifestations ne troublent pas l'ordre public établi par la loi.
Article 11 La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pčres envers leurs enfants. Toute citoyenne peut donc dire librement : je suis mčre d'un enfant qui vous appartient, sans qu'un préjugé barbare la force ŕ dissimuler la vérité ; sauf ŕ répondre de l'abus de cette liberté dans des cas déterminés par la loi.
Article 12 La garantie des droits de la femme et de la citoyenne nécessite une utilité majeure ; cette garantie doit ętre instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particuličre de celles ŕ qui elle est conférée.
Article 13 Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, les contributions des femmes et des hommes sont égales ; elle a part ŕ toutes les corvées, ŕ toutes les tâches pénibles, elle doit donc avoir de męme part ŕ la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l'industrie.
Article 14 Les citoyennes et citoyens ont le droit de constater par eux-męmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique. Les citoyennes ne peuvent y adhérer que par l'admission d'un partage égal, non seulement dans la fortune, mais encore dans l'Administration publique et de déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée de l'impôt.
Article 15 La masse des femmes, coalisée pour la contribution ŕ celle des hommes, a le droit de demander compte ŕ tout agent public de son administration.
Article 16 Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution. La constitution est nulle si la majorité des individus qui composent la Nation n'a pas coopéré ŕ sa rédaction.
Article 17 Les propriétés sont ŕ tous les sexes réunis ou séparés : elles sont pour chacun un droit inviolable et sacré ; nul ne peut ętre privé comme vrai patrimoine de la nature, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.